Triste nouvelle : décès de Jacques Carmona

Jacques Carmona a été professeur émérite auprès de l’équipe Géométrie Non Commutative de l’ex-Institut de Mathématiques de Luminy (IML).

Hommage par Patrick Delorme

Jacques Carmona est décédé le 30 Septembre  2020 de la conjugaison de plusieurs problèmes de santé et à son absence de motivation pour les surmonter après le décès de son épouse en Avril.

Un temps de recueillement aura lieu crématorium du cimetière Saint-Pierre, lundi à 11h45.
 
Ce fut d’abord un collègue, puis un collaborateur et ami.

Je vais retracer son parcours professionnel.

Né à Marseille en 1934, Carmona est né dans les milieux modestes des quartiers Nord de Marseille.

Comme beaucoup des brillants étudiants des milieux populaires de cette époque, il est admis 1949 à l’Ecole Normale d’Instituteurs.

Après cela, il continue ses études et est reçu à l’Ecole Normale Supérieure de l’Enseignement Technique en 1953. 

Après son diplôme, il enseigne dans l’enseignement secondaire à Boulogne-sur-Mer où il reste jusqu’en 1957.

Il obtient l’Agrégation. Puis il part en Algérie. Il revient au Prytanée Militaire de la Flèche, au Mans (1958-1960).

Finalement, il revient dans le Sud en 1960, où il enseigne au lycée de Salon-de-Provence.

Il s’inscrit à l’Université de Marseille et obtient un D.E.A. (Master) de Physique Théorique, ce qui lui permet de devenir assistant. 

Henri Morel, professeur à Marseille, lui conseilla de lire les articles d’Harish-Chandra, de l’Institute for Advanced Studies, Princeton, qu’il recevait de son ancien directeur de thèse, Laurent Schwartz.

Etant donné la productivité d’Harish-Chandra et son style serré, cette tâche n’était pas facile.

Mais Jacques Carmona s’est épris des mathématiques d’Harish-Chandra et obtient une Thèse d’Etat en 1968.

Il obtient un poste de professeur à la Faculté des Sciences de Luminy à son ouverture en 1968. Il participe pleinement à la période expérimentale qui s’ensuit.

Avec Michèle Vergne, alors professeur au MIT,  il organise une série de conférences en été à Luminy (1974, 1976, 1978, 1980, 1985) qui donnèrent lieu chacune à la publication d‘un volume.

Elles étaient considérées comme des conférences de référence.

Ces conférences ont motivé ma venue à Luminy en 1981.

Dans la décade 1980-1990, Jacques Carmona s’est beaucoup investi dans l’enseignement de la micro-informatique, alors en pleine expansion, et des mathématiques appliquées.

Il a eu plusieurs élèves dont Alain Guillemonat, Jean Marion.  

Sa carrière a étroitement mêlé enseignement et recherche.

Il a toujours suivi de près les études de ses 3 enfants et ses petits-enfants. Voulant inventer un problème pour son fils  en classe préparatoire, il a cherché à s’inspirer de son domaine de recherche.

Il a ainsi établi que 2 Lemmes importants dans  des problèmes de classification de représentations irréductibles de groupes réductifs (Langlands (Princeton), Vogan (MIT)) se réduisent à une simple  projection sur un cône convexe. 
 
Il a été examinateur au petit oral puis au grand oral de Polytechnique : il aimait inventer des exercices et je l’admirais beaucoup aussi pour cela.

En dépit de son investissement dans l’enseignement, Jacques était toujours ouvert aux discussions.

C’est dans les années 90, que notre collaboration est devenue plus étroite, autour de la formule de Plancherel pour les espaces symétriques réels. 

Il établit seul la théorie du terme constant. Puis nous publions 2 articles importants ensemble dont un à Inventiones. 

Ensuite Carmona à continuer à travailler. Nous avons continué à collaborer.

A près de 80 ans, il s’est initié aux groupes p-adiques et il a apporté une idée décisive à notre dernier article écrit ensemble en 2014.

Jusqu’à une période très récente, nous avons eu des échanges fructueux.
 
Il a été tout au long de ma carrière à Luminy, celui avec qui je pouvais discuter de tout. Bien sûr surtout de mathématiques. Mais pas seulement.

Je le trouvais jeune de caractère, toujours modeste, mais sachant, en bon marseillais, avoir le verbe parfois haut : nos conversations mathématiques ont parfois terrifié le couloir.

Il était aussi timide et extrêmement généreux. Mais capable de colères terribles, notamment contre les photocopieuse et imprimantes qui ne fonctionnent pas.

Surement des traits qui le rattachent aux personnages de la légende marseillaise.

Tu as eu une riche vie professionnelle et pour ce que je connais une riche vie familiale.

J’ai eu la chance de t’avoir pour ami et j’en suis honoré.
 
Je garderai toujours avec émotion la mémoire de ta voix claire et de ta parole chaleureuse.
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