S5, L3 Maths (MA) – Lionel Vaux Auclair

Algèbres de polynômes

On construit l’algèbre des polynômes sur un anneau commutatif $A$, et on étudie ses propriétés en fonction de celles de $A$.

Intuition

On fixe un anneau commutatif $A$. On note ses opérations $+$ et $\times$, et leurs unités $0$ et $1$, comme d’habitude (on pourra aussi utiliser $A$ comme indice pour éviter les ambigüités, par exemple $0_A$ pour éviter la confusion avec le polynôme nul).

Intuitivement, un polynôme à une indéterminée $X$ sur $A$ est une expression de la forme \[ P(X)=a_0+a_1 X+a_2 X^2+\cdots+a_nX^n\,, \] vue comme une somme finie de monômes $X^i$ avec des coefficients dans $A$: on peut sommer ces expressions et les multiplier entre elles ou par des éléments de $A$, pour former de nouveaux polynômes, ces opérations étant soumises aux identités usuelles. L’indéterminée $X$ est là pour suggérer qu’on voudra plus tard évaluer la fonction polynomiale associée, en remplaçant $X$ par un élément de $A$ par exemple: si $x\in A$, on écrira $P(x)=a_0+a_1 x+a_2 x^2+\cdots+a_nx^n$, où les sommes, les produits et les puissances sont les opérations dans $A$ et non plus des constructions formelles.

Tout ça est un peu flou, et on va le préciser tout de suite. En particulier, un polynôme est uniquement caractérisé par la suite de ses coefficients en tout degré, et les opérations peuvent être définies directement sur ces suites de coefficients.

L’algèbre des suites

On considère l’espace des suites $S(A)=A^{\mathbf{N}}$. La structure d’anneau commutatif de $A$ induit une structure d’anneau commutatif sur $S(A)$ de la manière suivante.

La somme des suites est définie composante par composante: si $P=(a_i)_{i\in \mathbf{N}}$ et $Q=(b_i)_{i\in \mathbf{N}}$ alors $P+Q=(a_i+b_i)_{i\in \mathbf{N}}$. Le neutre de cette somme est la suite partout nulle $0=(0_A)_{i\in\mathbf{N}}$. Il est évident qu’on obtient une structure de groupe commutatif (c’est le groupe produit), l’opposé étant encore défini composante par composante: $-P=(-a_i)_{i\in \mathbf{N}}$.

Ce groupe peut être équipé d’une multiplication externe, en considérant les éléments de $A$ comme des scalaires: on pose $a P = (a a_i)_{i\in \mathbf{N}}$. Cette opération vérifie les équations suivantes: \[ a(P+Q)=aP+aQ\qquad a0=0\] \[(a+b)P=aP+bP\qquad 0_A P=0\] \[(ab)P=a(bP)\qquad 1_A P=P\,.\] Ce sont les équations usuelles d’espace vectoriel, avec des scalaires pris dans l’anneau $A$ (on dit que $S(A)$ est un module sur $A$, ou $A$-module).

On peut par ailleurs munir les suites d’une multiplication interne, en posant: $P\times Q=(c_i)_{i\in\mathbf{N}}$ avec \[ c_n = \sum_{i=0}^{n} a_i b_{n-i}. \]

Exercices

Si $i,j\in\mathbf{N}$, on note $δ_{i,j}=\begin{cases}1_A&\text{si $i=j$}\\0_A&\text{sinon}\end{cases}$.

L’algèbre des polynômes

Un polynôme $P$ à une indéterminée sur $A$ est une suite $(a_i)_{i\in \mathbf{N}}$ d’éléments de $A$ (les coefficients de $P$), presque tous nuls: $a_n=0$ pour $n$ suffisamment grand. Le degré de $P$, noté $d(P)$ est le plus grand entier $n\in\mathbf{N}$ tel que $a_n\not=0$, si un tel $n$ existe, et $-\infty$ sinon (les coefficients sont tous nuls). Si $d(P)=n\ge 0$, le coefficient $a_n$ est appelé coefficient dominant.

Lorsqu’on fixe une notation pour l’indéterminée, disons $X$, on note $A[X]$ l’ensemble des polynômes à coefficients dans $A$, et la suite $(δ_{i,n})_{i\in\mathbf{N}}$, qui est un polynôme, est notée $X^n$ (et ce n’est rien d’autre qu’une notation): c’est le monôme de degré $n$. On notera aussi $X=X^1$.

Vu l’exercice précédent, $A$ se plonge dans $A[X]$ via la fonction $a\mapsto a1=aX^0$. On confond donc $a$ avec $aX^0$, et en particulier $0_A$ avec le polynôme nul $0$.

Exercices

Divisibilité

Les notions liées à la divisibilité des nombres se traduisent directement pour les polynômes:

On considèrera aussi les propriétés de l’anneau commutatif $A$: on dit que $A$ est intègre si $1\not=0$ et si $ab=0$ implique $a=0$ ou $b=0$ (c’est le cas pour tous les anneaux de nombres usuels). En particulier, $A$ est intègre dès que c’est un corps, c’est-à-dire quand $A^\times = A^\bullet$.

Exercices

Valuation

À chaque polynôme $P=\sum_{i=0}^n a_i X^i$, on peut associer la fonction polynomiale $\hat P:A\to A$: \[ \hat P(a)=\sum_{i=0}^n a_i a^i\,. \] Autrement dit, $\hat P(a)$ c’est $P$ où on remplace $X$ par $a$ et les opérations formelles par les opérations dans $A$: on dit que $\hat P$ est la valuation de $P$ dans $A$, et $\hat P(a)$ est la valeur de $P$ en $a$.

Exercice

Division de polynômes

La division euclidienne des polynômes est définie dès que le coefficient dominant du diviseur est inversible dans $A$, en utilisant le degré comme mesure décroissante plutôt que la valeur absolue: pour tous polynômes $U$ et $V$ avec $V=\sum_{i=0}^n a_i X^i$ et $a_n$ inversible, il existe des polynômes $Q$ et $R$ (définis de manière unique) tels que $U=QV+R$ avec $d(R)<d(V)$.

Exercices

Racines

Une racine de $P$ dans $A$, c’est un élément $a\in A$ tel que $\hat P(a)=0_A$. Il est évident que si $X-a\mid P$ alors $a$ est une racine de $P$.

Exercice

PGCD et décomposition de polynômes sur un corps

Lorsque $A$ est un corps, tout coefficient non nul est inversible, donc la division par un polynôme non nul est toujours définie.

Exercices

On suppose que $A$ est un corps.

Lemme. Pour tous $U,V\in A[X]$, il existe $K,L\in A[X]$ tels que $UK+VL=U\wedge V$.

De plus, si $P$ est irréductible, alors il est premier: $P\not=0$, et si $P\mid QR$ alors $P\mid Q$ ou $P\mid R$.