Subsections
Espaces vectoriels
La notion d'espace vectoriel est une notion centrale dans de nombreux
problèmes de mathématiques, physique, chimie,....
En effet, la propriété de linéarité
est commune, au moins en première approximation, à beaucoup
de solutions de problèmes simples (problème de
vibration de cordes ou ressorts, de propagation de la
chaleur,...).
On peut résumer la propriété de linéarité de la façon
suivante: si
et
sont deux solutions d'un problème donné, alors
est
solution également, ainsi que
pour tout nombre
(appelé scalaire)
.
Le cadre mathématique adapté à ce type de situation est le cadre
des espaces vectoriels, qui est étudié
dans ce chapitre. Les éléments des espaces vectoriels sont
appelés vecteurs, notion qui généralise
les vecteurs rencontrés en géométrie vectorielle.
Pour bien distinguer les différents objets
mathématiques manipulés, on notera dans ce chapitre les vecteurs
avec une flèche (par exemple,
), notation qu'on oubliera ensuite.
On va dans ce chapitre manipuler des objets, et définir des
opérations entre ces objets. Le langage adapté à la
manipulation des objets est celui de la théorie des ensembles, dont
on ébauche ici quelques aspects importants.
Il n'est pas nécessaire d'introduire la notion d'ensemble (qu'on
nomme aussi parfois collection, famille ou regroupement),
constitué d'éléments. Le nombre d'éléments d'un ensemble
est appelé son cardinal. Le cardinal d'un ensemble
est
noté
, ou
.
Une relation importante entre deux ensembles est la relation d'inclusion.
Un ensemble
est inclus dans un ensemble
, relation que l'on note
si tout élément de
est aussi élément de
. On note ceci
sous la forme
est alors un sous-ensemble de
.
REMARQUE 1.1
Il existe un ensemble remarquable, qui est inclus dans tout ensemble:
l'
ensemble vide, noté

. Tout ensemble

est
également inclus dans lui même. On a donc pour tout ensemble

,
REMARQUE 1.2
Il est fondamental de bien saisir la différence entre les notions
d'appartenance à un ensemble, et d'inclusion dans un ensemble.
Par exemple, le nombre

appartient à l'ensemble

des nombres réels, alors que l'ensemble

des nombres entiers
est quant à lui inclus dans l'ensemble des nombres réels.
Par contre, le singleton
, c'est à dire l'ensemble
constitué de l'unique élément
, est un sous-ensemble de
.
On note cela
Deux ensembles
et
sont égaux si tout élément de
est
élément de
(c'est à dire
), et vice versa
(
). Ainsi, on a la propriété fondamentale
Pour démontrer que deux ensembles sont égaux, on doit donc
démontrer les deux relations d'inclusion, c'est à dire
-
signifie:
,
.
-
signifie:
,
.
Etant donnés deux ensembles
et
, leur union
est l'ensemble
formé des éléments de
et des éléments de
Leur intersection est constituée des éléments communs à
et
:
Les opérations de réunion et d'intersection possèdent un certain nombre
de propriétés importantes, listées ci-dessous. Les démontrer
est un bon exercice. A défaut, on peut s'en convaincre en dessinant
des ``patates'' (qu'on appelle diagrammes de Venn).
Dans ces propriétés,
et
sont des ensembles.
- Union et intersection sont associatives:
,
et
.
- Union et intersection sont commutatives:
, et
.
- Distributivité
, et
.
Etant donnés deux ensembles
et
, on a parfois à considérer
l'ensemble des éléments de
qui n'appartiennent pas à
.
Cet ensemble est appelé la différence ``
moins
'', et est noté
Lorsque
est un sous-ensemble de
,
est appellé le complémentaire de
dans
,
et on le note
ou encore
lorsqu'aucune
confusion n'est possible.
Finalement, on utilise également la notion de
différence symétrique de deux ensembles
et
, notée
, qui est constituée des éléments de
n'appartenant
pas à
et des éléments de
n'appartenant pas à
:
Tout d'abord, distinguons les notions de paire et de couple.
Une paire est un ensemble de deux objets. Un couple est lui aussi
formé de deux objets, mais on distingue le premier (appelé
première composante du couple) du second (appelé seconde
composante du couple). Conventionnellement, on note
la paire
constituée des objets
et
, et
le couple constitué de
ces mêmes objets. On a donc
, alors que
.
Etant donnés deux ensembles
et
, le produit cartésien de
et
,
noté
, est l'ensemble des couples dont le premier élément
appartient à
et le second appartient à
:
Si
et
sont deux ensembles finis, de cardinaux respectifs
et
, alors le cardinal de
vaut
:
Etant donnés trois ensembles
,
et
, le produit Cartésien des
ensembles
et
sera noté
(et pas
). Si
,
et
, on notera
le couple
, que l'on appellera triplet.
On définira similairement les produits Cartésiens de 4 ensembles,
5 ensembles, et ainsi de suite. Un produit Cartésien de
ensembles
sera formé de
-uplets.
Une application d'un ensemble
vers un ensemble
est un objet
mathématique qui associe à tout élément
de
un unique
élément
de
.
est l'ensemble de départ, et
est l'ensemble d'arrivée.
est l'image de
, et
est l'antécédent de
.
On utilisera dans la suite de ce cours les notions fondamentales suivantes:
- L'application
est injective si tout
a au plus un
antécédent
.
- L'application
est surjective si tout
a au moins un
antécédent
.
- L'application
est bijective si elle est injective et
surjective, en d'autres termes si tout
a un et un seul
antécédent
.
REMARQUE 1.3
Rappelons ce qu'est une fonction. Etant donnés deux ensembles

et

, une fonction

associe à tout élément de

1 ou 0 élément de

: ainsi, tout élément de

n'a pas nécessairement une image par la fonction

.
L'ensemble des éléments de
qui possèdent une image par la fonction
est appelé ensemble de définition de la fonction
, noté
.
Ainsi, toute fonction
n'est pas nécessairement une application.
Par contre, la même fonction
devient une application, si on change
l'ensemble de départ:
est une application.
Un exemple de fonction se trouve en FIG.
,
représentée par un diagramme sagittal.
Figure:
Diagramme sagittal d'une fonction
, qui devient
application par restriction à son domaine de définition
.
|
Un espace vectoriel est un ensemble dont les
éléments, appelés vecteurs, constituent une
généralisation abstraite de la notion usuelle (c'est à dire plus
géométrique) de vecteur. A ce titre, les éléments d'un espace
vectoriel peuvent être additionnés, et multipliés par des nombres.
Commençons par quelques exemples simples d'espaces
vectoriels ``classiques''.
EXEMPLE 1.3
Autre exemple: le
plan vectoriel, défini comme
l'ensemble des couples de réels
Les deux opérations précédentes sont encore bien définies:
- Addition:
pour tous
, on sait définir
, qui appartient lui aussi à
, par la relation
- Multiplication par un scalaire
(ici un nombre réel):
pour tout
et pour tout
,
est de la forme
Dans ces deux cas ci-dessus, l'addition est commutative
(
) et associative
(
); il existe un
vecteur nul
, tel que pour tout
,
, et tout
vecteur
possède un opposé
(ou inverse), que l'on note
(voir en FIG.
).
Figure:
Commutativité (à gauche) et associativité (à droite)
de l'addition
|
Quant à la multiplication par un scalaire, elle possède des
propriétés voisines (mais pas identiques): elle est commutative
(
) et distributive par rapport
à l'addition (
, et
). De plus, la
multiplication par le scalaire 1 ne change rien (
).
Ces propriétés (avec d'autres) sont en fait des propriétés
``génériques'', qui permettent de définir la notion d'espace
vectoriel, comme on le verra.
On définit l'espace
de la façon suivante.
Dans
, ces deux opérations possèdent les mêmes propriétés
que celles que nous avons vues plus haut dans le cas de
.
Elles font de
un
-espace vectoriel, dont on donnera
la définition précise plus loin.
En plus de sa structure d'espace vectoriel,
est également
équipé d'autres outils, comme la norme
(qui associe à tout vecteur sa ``longueur''), et
le produit scalaire
(qui associe à toute paire de vecteurs
un scalaire, décrivant leur ``ressemblance''), qui lui
confèrent une structure d'espace Euclidien.
La norme d'un vecteur
de
(qui représente donc sa ``longueur'') est définie par
 |
(1.1) |
Dans le cas de
, cette égalité correspond au théorème de
Pythagore, si l'on identifie les deux composantes
du couple
aux coordonnées Cartésiennes du point
du
plan tel que
.
La norme vérifie l'inégalité triangulaire: pour tous
,
 |
(1.2) |
Le produit scalaire de deux vecteurs est défini par
 |
(1.3) |
et vérifie la propriété suivante, qui est essentielle
Interprétation: on a donc
et donc il existe
tel que
est l'angle entre les deux vecteurs
et
.
Ces opérations munissent
d'une structure
d'espace Euclidien.
Dans un premier temps, nous nous focaliserons
essentiellement sur la structure d'espace vectoriel, laissant de côté
les notions de norme et produit scalaire. Nous reviendrons sur ces notions
plus tard, lorsque nous traiterons la diagonalisation des matrices.
Définitions: espace vectoriel
La notion centrale de ce chapitre est la notion d'espace vectoriel.
On se limitera ici aux notions d'espaces vectoriels sur
et
sur
, qui sont les plus couramment utilisées. On parlera de
-espace vectoriel ou de
-espace vectoriel. Lorsque les
propriétés étudiées sont vraies indifféremment dans les cas
réel ou complexe, on parlera de
-espace vectoriel (
représentant génériquement
ou
), ou d'espace vectoriel
tout simplement.
En sciences appliquées, en particulier en physique et en chimie,
on est souvent amené à manipuler des nombres complexes. C'est
pourquoi il est utile d'étendre la notion d'espace vectoriel
aux nombres complexes. La définition d'un
-espace vectoriel
est presque identique à la définition d'un
-espace vectoriel,
la seule différence étant que la multiplication par un scalaire
est cette fois la multiplication par un nombre complexe.
REMARQUE 1.4
On peut vérifier que tout

-espace vectoriel est automatiquement
un

-espace vectoriel. La réciproque est fausse.
Outre les exemples géométriques (
) que nous avons vus plus haut,
on utilise souvent d'autres exemples d'espaces vectoriels, dans bien des
domaines.
- Le premier exemple qui vienne à l'esprit est celui de l'espace
 |
(1.4) |
on peut facilement vérifier que
est un
-espace vectoriel,
dès lors que l'on définit l'addition et la multiplication par un
scalaire comme suit: pour tous
,
et
,
et
-
, et en particulier
, est également un
-espace vectoriel,
comme on peut le vérifier facilement.
- Considérons l'ensemble des solutions d'un système homogène
de deux équations linéaires
où
. L'ensemble des solutions est un sous-ensemble
de
, dont on peut montrer qu'il s'agit d'un espace vectoriel,
lorsque l'on le munit de l'addition et la multiplication scalaire
de
.
- Un autre exemple simple est l'exemple des espaces de polynômes.
Etant donné un entier
, on considère l'ensemble
des polynômes de degré inférieur ou égal à
à coefficients
complexes, c'est à dire des fonctions
les nombres
étant des nombres complexes. Cet ensemble de
polynômes est muni d'une structure de
-espace vectoriel, grâce
à l'addition et la multiplication par un scalaire suivantes:
pour tous polynômes
de degré inférieur ou égal à
,
et tout complexe
,
et
sont les polynômes définis par
-
est également un
-espace vectoriel.
L'ensemble des polynômes de degré inférieur ou égal à
à coefficients réels est un
-espace
vectoriel, mais pas un
-espace vectoriel.
- On note
l'ensemble des fonctions définies sur
, à valeurs dans
. On montre facilement qu'en
définissant l'addition des fonctions et leur multiplication par
un scalaire comme
acquiert une structure de
-espace vectoriel.
- On considère l'ensemble des fonctions
,
solutions d'une équation différentielle linéaire homogène
donnée, par exemple
On peut facilement vérifier que l'ensemble de ces solutions forme
un
-espace vectoriel, en définissant l'addition et la multiplication
par un scalaire comme ci-dessus.
EXEMPLE 1.4
Par exemple, considérons l'espace vectoriel

, et le sous-ensemble
Figure:
Le plan vectoriel dans
, d'équation
.
On note qu'il passe par l'origine.
|
Il est possible de montrer que
est un sous-espace vectoriel de
, c'est à dire que tous les axiomes des
définition
et
sont satisfaits.
On le démontrera un peu plus loin, de façon plus simple.
Etant donnés un espace vectoriel
et un sous-ensemble
,
montrer que
est un sous-espace vectoriel de
demande de
vérifier tous les axiomes de la définition
. Cela
n'est en fait pas nécessaire, grâce au résultat suivant.
Preuve:
Ces conditions sont évidemment nécessaires. Pour prouver qu'elles sont
suffisantes, remarquons que les axiomes (
)
à (
) sont satisfaits dans
, et comme
, ils sont donc sautomatiquement satisfaits dans
, à
l'exception de l'existence de l'élément neutre (
)
et de l'opposé (
), qu'il faut vérifier. Ces deux
propriétés sont conséquence des hypothèses: en effet, pour
tout
,
, de sorte que
. De plus,
pour tout
,
, ce qui conclut la
démonstration.
De façon plus générale, on déduit de ce résultat le
corollaire
Preuve: Il suffit de démontrer que (
)
est équivalente aux équations (
) et (
),
ce qui est immédiat.
Revenons à l'exemple
ci-dessus. Pour montrer qu'un tel
est un sous-espace vectoriel de
, il suffit donc de montrer que
est non-vide, ce qui est assuré dès lors que l'on remarque que
par exemple,
, et que pour tous
et
, (
) est satisfaite.
Considérons donc
et
, et
calculons, pour des
quelconques,
Alors, on voit facilement que
car
. Ceci prouve donc que ce
est bien un
sous-espace vectoriel de
. Il s'agit d'un plan vectoriel.
Soit
un espace vectoriel (réel ou complexe) et soient
vecteurs de
.
Si
sont
scalaires,
alors on dit que le vecteur
 |
(1.5) |
est une combinaison linéaire
des vecteurs
.
On dit aussi que la famille
engendre
,
et on note
Notons qu'il existe toujours une infinité de familles
génératrices pour un espace vectoriel.
EXEMPLE 1.6
Reprenons l'exemple du plan vectoriel

de l'exemple
![[*]](crossref.png)
.
Il est facile de voir que tout

est de la forme

.
On peut alors écrire
de sorte que les vecteurs

et

forment une
famille génératrice de

.
Considérons maintenant les vecteurs
et
. Ces deux
vecteurs forment ils une famille génératrice de
?
Pour s'en assurer, soit
, quelconque. La question est,
``existe-t-il
tels que
Cette équation vectorielle est équivalente au système de
trois équations linéaires à deux inconnues (

et

)
Par substitution, ce système est équivalent à
qui est lui même équivalent à
Ainsi, pour tous

, on a bien trouvé

et

satisfaisant
à la condition ci-dessus, donc la famille

est bien
une famille génératrice pour

.
On vérifie aussi facilement que pour tout
, on peut écrire par exemple
, de sorte que la
famille
engendre
elle aussi.
Par exemple,
et
sont de dimension finie. Par contre,
on peut trouver beaucoup d'exemples d'espaces vectoriels de dimension
infinie, comme des espaces vectoriels de suites ou de fonctions.
On ne considèrera pas de tels exemples dans ce cours.
Preuve: Soit
une famille
libre de
vecteurs dans
, et supposons qu'il existe
des nombres
et
tels que
Alors on en déduit que
d'où, la famille
étant libre,
et donc
.
EXEMPLE 1.8
Dans

, considérons deux vecteurs orthogonaux

et

, comme
dans la F
IG. ![[*]](crossref.png)
, et posons
Figure:
Un seul développementUne infinité de développements
|
La famille
est une famille libre, alors que la famille
est une famille liée. Ceci se traduit par le
fait qu'un vecteur quelconque de
s'écrit de façon unique comme
combinaison linéaire de
et
, alors qu'il existe une infinité de
façons différentes de l'écrire comme combinaison linéaire
de
,
,
et
. En effet, considérons par exemple le
vecteur
. Cette expression constitue l'unique
écriture de
comme combinaison linéaire de
et
.
Par contre, on peut également écrire, pour tout
,
Ceci étant vrai pour tout

, on obtient ainsi une infinité
de décompositions possibles.
REMARQUE 1.5
Dans un

-espace vectoriel, la notion de dépendance linéaire ou
indépendance linéaire d'une famille de vecteurs dépend évidemment de

. Par exemple, prenons

qui, comme nous l'avons vu, peut être
muni d'une structure de

-espace vectoriel et de

-espace vectoriel.
Dans le

-espace vectoriel

, la famille de vecteurs

est une famille libre: en effet, il n'existe pas

, non
simultanément nuls, tels que

. Par contre, dans le

-espace vectoriel

, il s'agit d'une famille liée, car on peut
trouver

, non simultanément nuls, tels
que

(prendre

). Pour préciser les
choses, on parle parfois de famille

-libre ou

-liée
(

ou

).
Clairement, toute famille libre n'est pas obligatoirement
génératrice, et toute famille génératrice n'est pas
obligatoirement libre. La notion de base représente en quelque sorte
le ``juste compromis'' entre ces deux notions, comme on va le voir dans
l'exemple qui suit.
EXEMPLE 1.9
Reprenons l'exemple du

-espace vectoriel

.
Les vecteurs

,

et

forment une famille dont on vérifie facilement qu'elle est
- Libre: soit
une combinaison
linéaire quelconque de
et
. Alors
, et
implique
.
- Génératrice: pour tout
, on a
obligatoirement
.
Il est clair que si l'on enlève un élément à cette famille,
la famille résultante n'est plus génératrice: par exemple, tout

ne peut pas s'écrire comme combinaison linéaire de

et

seuls. Par contre, si on ajoute n'importe quel vecteur
à cette famille, la famille résultante ne sera pas libre, le nouveau
vecteur pouvant s'exprimer comme combinaison linéaire des trois premiers.
Ainsi, la famille
représente le
bon compromis pour écrire les éléments de
comme
combinaisons linéaires. C'est ce que l'on appelle une base de
,
en l'occurrence la base canonique de
.
Dans le cas de
, la base canonique
de
est la famille constituée des vecteurs
, pour
, le seul
élément non-nul du vecteur étant le
-ième.
Le théorème qui suit, que nous donnons sans démonstration, est
un résultat fondamental.
Par exemple, la dimension de
est égale à
, la base canonique
de
ayant
éléments.
Pour illustrer ce résultat, il est utile de considérer un exemple simple.
EXEMPLE 1.10
Dans

, on considère les deux vecteurs

et

. On voit facilement qu'ils forment
une famille libre, et qu'on peut toujours leur adjoindre une troisième
vecteur, par exemple

pour obtenir une famille génératrice.
Similairement, partant d'une famille génératrice de 4 vecteurs de
,
on voit facilement qu'on peut lui enlever un vecteur, la famille résultante
étant maintenant libre, et toujours génératrice.
REMARQUE 1.6
Notons que la dépendance de la dimension

d'un

-espace vectoriel est un aspect important. Prenons par exemple
le cas de

. La dimension de

change selon que

est considéré comme

-espace vectoriel ou

-espace vectoriel. On peut facilement montrer que

, alors que

.
Ce résultat a de nombreuses conséquences ``pratiques''. Celle qui
suit se démontre aisément.
Preuve: Considérons une famille de plus de
vecteurs,
et supposons qu'elle soit libre; d'après le théorème de la dimension,
elle peut être complétée pour former une base, mais celle-ci aurait
alors plus de
vecteurs, ce qui est impossible. Donc la famille ne peut
être libre. Considérons maintenant une famille de moins de
vecteurs,
et supposons qu'elle soit génératrice. On peut alors en extraire une
base, qui aurait alors moins de
vecteurs, ce qui est encore une fois
impossible. La famille ne peut donc pas êtretre génératrice.
Soit
un espace vectoriel de dimension
, et soit
une famille libre de
vecteurs de
.
Supposons qu'elle ne soit pas génératrice. Alors d'après
le 2) du théorème
, on peut la compléter pour
former une base de
. Mais celle-ci a alors plus de
éléments, ce qui est impossible. Donc la
famille
est nécessairement génératrice.
Similairement, soit
une famille génératrice
de
, supposons qu'elle ne soit pas libre. Alors d'après
le 1) du théorème
, on peut lui enlever des
éléments pour obtenir une base, mais celle-ci compte moins de
éléments, ce qui est impossible. Donc la famille
est obligatoirement libre.
On a donc montré
Finalement, on déduit de la définition d'une
famille génératrice et de la proposition
l'existence et l'unicité du développement d'un vecteur sur une base:
Dans le cas simple de
(ou
), dont on a vu plus haut
la base canonique, il est facile de voir
que les composantes d'un vecteur
dans
cette base canonique ne sont autres que les nombres
.
Dans un cas plus général, la détermination des composantes
d'un vecteur sur une base demande un peu plus de travail.
EXEMPLE 1.11
Comment déterminer les composantes d'un vecteur par rapport
à une base ?
Prenons l'exemple de

, et de la base constituée par les deux vecteurs

et

. Considérons un vecteur de

, par
exemple

. On cherche à écrire
ce qui revient à résoudre le système
Ce système se résoud facilement, et conduit à

et

.
Dans des cas plus complexes, il est possible d'utiliser des techniques
plus systématiques, comme par exemple la méthode du pivot de Gauss,
décrite un peu pus loin.
Soient
et
deux sous-espaces vectoriels d'un espace vectoriel
.
On considère la réunion de
et
 |
(1.6) |
est clairement un sous-ensemble de
, par construction.
Par contre, ça n'est pas un sous-espace vectoriel de
en
général.
EXEMPLE 1.12
Prenons

, et

et

sont deux sous-espaces vectoriels de

(de dimension

). Par contre,

n'est pas un
sous-espace vectoriel de

, donc n'est pas un espace vectoriel.
Par exemple, soient

et

, ils appartiennent
tous deux à

, mais

.
Considérons maintenant l'intersection
de deux sous-espaces
vectoriels
et
de
 |
(1.7) |
Soient
. Alors
et
;
donc,
et
étant des sous-espaces vectoriels de
,
et
, d'où
.
On a ainsi montré
EXEMPLE 1.13
Si nous reprenons l'exemple précédent, nous voyons bien que
est limité au seul vecteur nul de

... ce qui est bien un sous-espace
vectoriel, de dimension 0.
Etant donnés deux sous-espaces vectoriels
et
d'un
espace vectoriel donné
, il est possible de considérer l'ensemble
formé des sommes d'éléments de
et
. Il est facile de montrer
que cet ensemble est en fait un espace vectoriel.
Supposons que
et
soient deux sous-espaces vectoriels de
,
et soit
. Soit
. Alors il existe
et
tels que
. Supposons qu'il existe
un autre couple de vecteurs
et
tels que
. Alors on a
,
c'est à dire une égalité entre un vecteur de
et un vecteur
de
. A ce point, de deux choses l'une: soit
,
auquel cas ces deux vecteurs sont nécessairement nuls. Soit
, et on peut avoir
et
. On a donc montré
Qu'en est-il de la dimension de la somme de deux sous-espaces vectoriels
de dimension finie ? Si
et
sont de dimension finie, disons
et
, alors ils admettent chacun une base de respectivement
et
élements. L'union de ces deux bases est une famille génératrice
de
, qui est ainsi de dimension inférieure ou égale à
. Si la somme
est une somme directe, c'est à dire si
, alors l'union des deux bases est cette fois une base
de
, et la dimension de
est alors égale à
.
On a donc montré
EXEMPLE 1.14
Prenons

, et soient
On voit facilement que

, donc la somme

est une somme directe. De plus,

est de dimension 2
(par exemple, une base de

est donnée par les vecteurs

et

), et

est de dimension

(base:

).
On a alors
Dans l'exemple
ci-dessus, cette égalité
est bien vérifiée.
EXEMPLE 1.15
Prenons

, et soit
une droite vectorielle.
Alors, on peut vérifier que les supplémentaires de

sont toutes les droites vectorielles du plan

différentes
de

.
La méthode du pivot de Gauss
(ou élimination de Gauss)
est une technique simple et puissante de résolution de
systèmes linéaires, de la forme
 |
(1.8) |
les
et les
étant
et
scalaires,
respectivement, et
étant les
inconnues.
Commençons par l'illustrer sur un exemple, avant de
voir en quoi elle peut être utile pour résoudre des problèmes simples
d'algèbre linéaire.
La base de la méthode du pivot de Gauss pour la résolution
de systèmes linéaires est l'ensemble des trois propriétés
fondamentales: La solution d'un système d'équations linéaires
ne change pas si
- On permute l'ordre des équations
- On multiplie (terme à terme) une équation par un scalaire non-nul.
- On ajoute à une équation une combinaison linéaire quelconque
des autres équations
Considérons le système linéaire de trois équations à trois inconnues
 |
(1.9) |
La méthode de Gauss consiste à substituer à ce système un
autre système d'équations, équivalent, dans lequel on élimine
par substitutions successives des variables. Par exemple,
dans le cas qui nous intéresse, en remplaçant les deux dernières
équations
et
par
et
respectivement
(au sens de la soustraction des équations ``terme à terme''),
on obtient
puis en substituant à
l'équation
, on obtient le
système étagé suivant
qui est facile à résoudre:
donne
, puis en
substituant dans
on obtient
, puis finalement
donne
.
La méthode du pivot de Gauss possède de nombreuses applications.
Par exemple, étant donnée une famille de vecteurs, elle peut permettre
de dire si cette famille est une famille libre.
En d'autres termes, étant donnés un certain nombre de vecteurs
de
(ou
) (avec
, sans quoi
la famille est automatiquement liée), existe-t-il des scalaires
tels que
 |
(1.10) |
S'il existe de tels scalaires, non simultanément nuls, alors
la famille est liée. Sinon, la famille est libre.
Si l'on connait les composantes des vecteurs
dans la base canonique, cette équation vectorielle peut s'écrire comme
un système de
équations linéaires, que l'on
peut résoudre par la méthode du pivot.
EXEMPLE 1.16
Dans

, considérons les vecteurs

,

et

, et cherchons une éventuelle
relation de la forme

.
Cette équation vectorielle se ramène alors au système
Le pivot de Gauss permet de transformer ce système en
puis
qui implique

. Le système

est bien un système libre dans

(et en est donc une base).
Une autre question reliée, qui peut également être
traitée par élimination de Gauss: étant donnée une famille
de vecteurs, trouver (s'il en existe) une relation linéaire
entre ces vecteurs.
Cette question se formule de façon identique à la précédente:
il faut trouver les scalaires
dans (
).
EXEMPLE 1.17
Dans

, considérons les vecteurs

,

et

, et cherchons une éventuelle
relation de la forme

.
Cette équation vectorielle se ramène alors au système
Le pivot de Gauss permet de transformer ce système en
et il n'est pas nécessaire d'aller plus loin pour voir que les
deux dernières équations sont équivalentes, et donnent

, d'où

.
La relation linéaire recherchée est donc, en
prenant

,
ce que l'on peut encore écrire
de sorte que tout

s'écrit comme combinaison linéaire de

et

.
Ainsi
qui est un sous-espace vectoriel de

de dimension deux (car la famille

est une famille libre.
On verra plus bas comment caractériser ce sous-espace vectoriel.
En d'autres termes, étant donnés un certain nombre de vecteurs
de
(ou
) (avec
, sans quoi
la famille ne peut être génératrice), peut-on trouver pour tout
des scalaires
tels que
Si l'on connait les composantes des vecteurs
,
dans la base canonique, cette équation vectorielle peut s'écrire comme
un système de
équations linéaires (inhomogène cette fois),
que l'on peut résoudre par la méthode du pivot.
EXEMPLE 1.18
Dans

, considérons les vecteurs

,

et

. Soit

, quelconque, la question
est de savoir si l'on peut écrire

. Cette équation
vectorielle est équivalente à un système inhomogène
de trois équations linéaires
Le pivot de Gauss permet de transformer ce système en
puis en
La troisième équation se simplifie en
d'où on déduit ensuite

puis

par
Ainsi, pour tout

, on a bien pu l'exprimer comme combinaison
linéaire de

,

, et

, ces trois vecteurs
constituent donc une famille génératrice de

.
EXEMPLE
(SUITE)
Comment caractériser le sous-espace vectoriel de
engendré
par les vecteurs
? Il suffit de considérer
un vecteur quelconque
En posant
, on a donc
syst ème qui se met sous la forme
d'où on déduit que
, et donc l'équation de
Notons qu'on aurait obtenu exactement le même résultat en exprimant
comme combinaison linéaire de
et
... au prix de calculs
un peu plus longs.
Bruno Torresani
2009-02-18