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Problème de Sturm-Liouville

Le cas des polynômes de Legendre que nous avons vus plus haut correspond à un cas particulier d'un problème plus général, appelé problème de Sturm-Liouville, qu'on décrit ici sous une forme quelque peu simplifiée.

Généralités

On considère, sur un intervalle $ [a,b]$ , les équations du second ordre, de la forme

$\displaystyle L y (x) = a_0(x) \frac{d^2y}{dx^2} (x) + a_1(x) \frac{dy}{dx}(x) + a_2(x) y(x) = 0\ ,$ (2.23)

$ a_0\in C^2([a,b])$ , $ a_1\in C^1([a,b])$ et $ a_2\in C([a,b])$ sont des fonctions à valeurs réelles, telles que $ a_0$ ne s'annule pas sur $ [a,b]$ , sauf éventuellement en un nombre fini de points.

Pour espérer existence et unicité de solutions de cette équation ou d'équations associées (voir ci-dessous), on doit la complèter par deux conditions supplémentaires, des conditions aux bords. On choisit généralement des conditions aux bords de la forme $ y(a)=y(b)=0$ , ou plus généralement des conditions qui assurent que $ a_0(x)y(x)y'(x)=0$ en $ x=a$ et $ x=b$ .

Ceci définit un opérateur différentiel $ L$ , dont l'adjoint est défini par

$\displaystyle L^* y(x) = \frac{d^2}{dx^2}\left(a_0(x)y(x)\right) - \frac{d}{dx}\left(a_1(x)y(x)\right) + a_2(x)y(x)$ (2.24)


\begin{lemma}
$L$\ est auto-adjoint si et seulement si les fonctions $a_0$\ et
$...
... telles que
\begin{displaymath}
a_0'(x) = a_1(x)\ .
\end{displaymath}\end{lemma}
Dans ces conditions, $ L$ peut aussi se mettre sous la forme

$\displaystyle L=\frac{d}{dx} p\frac{d}{dx} + q\ ,$ (2.25)

ou encore

$\displaystyle [L y](x) = \frac{d}{dx}\left[ p(x)\frac{dy}{dx}(x)\right] + q(x)y(x) = 0\ ,$ (2.26)

avec $ p(x) = a_0(x)$ et $ q(x)=a_2(x)$ .

REMARQUE 2.4   Les équations de type Sturm-Liouville peuvent généralement s'obtenir suite à des problèmes d'optimisation de fonctionnelles du type

$\displaystyle J[y] = \frac1{2}\int_a^b [p(x) y'(x)^2 + q(x) y(x)^2]\,dx
$

avec conditions aux bords $ y(a)=y(b)=0$ , et une contrainte de normalisation

$\displaystyle \int_a^b w(x)y(x)^2\,dx = 1\ .
$

Dans le cas général, une équation telle que ([*]) peut toujours se mettre sous la forme ([*]), en la multipliant terme à terme par le facteur intégrant

$\displaystyle I(x) = \frac1{a_0(x)}\exp\left\{\int_{x_0}^x \frac{a_1(z)}{a_0(z)}\,dz\right\}
$

et en posant

$\displaystyle p(x) = \exp\left\{\int_{x_0}^x \frac{b(z)}{a(z)}\,dz\right\}\ ,
$

et

$\displaystyle q(x) = \frac{c(x)}{a(x)}
\exp\left\{\int_{x_0}^x \frac{b(z)}{a(z)}\,dz\right\}\ .
$


\begin{definition}
Une \'equation
\begin{displaymath}
L y(x) = \lambda w(x) y(x)...
...\ est appel\'ee
fonction propre, et $\lambda_n$\ valeur propre.
\end{definition}

EXEMPLE 2.4   Prenons le cas particulier de l'équation des ondes sur $ [0,1]$ , c'est à dire $ p(x)=1$ , $ q(x)=0$ et $ w(x)=1$ pour tout $ x\in [0,1]$ . L'équation de Sturm-Liouville prend la forme

$\displaystyle y''(x) = \lambda y(x)\ ,
$

dont on a déjà vu qu'elle peut se résoudre via l'équation caractéristique

$\displaystyle \alpha^2 = \lambda\ .
$

Les solutions sont de la forme

$\displaystyle y(x) = A \exp\{\lambda^{1/2}x\} + B \exp\{-\lambda^{1/2}x\}\ .
$

En imposant les conditions aux bords

$\displaystyle y(0)=y(1)=0\ ,
$

on aboutit à $ B=-A$ , et $ \mathrm{sh}(\lambda^{1/2})=0$ , dont les solutions sont $ \lambda^{1/2}=ik\pi$ . Les valeurs propres sont donc de la forme

$\displaystyle \lambda = -k^2\pi^2\ ,\quad k\in\mathbb{Z}^+\ ,
$

et les fonctions propres correspondantes sont

$\displaystyle y_k(x) = \sin (kx)\ .
$

Propriétés des fonctions propres et valeurs propres d'une équation de Sturm-Liouville

Les fonctions propres et les valeurs propres de ces équations possèdent des propriétés importantes. Notamment, on va montrer que les valeurs propres sont toujours réelles, et que les fonctions propres associées sont orthogonales, au sens du produit scalaire

$\displaystyle \langle f \vert g\rangle_w = \int_a^b w(x) \overline{f}(x)g(x)\,dx
$

définissant l'espace

$\displaystyle L^2([a,b],w) = \left\{f: [a,b]\to\mathbb{C}\, ,\ \int_a^b w(x)
\vert f(x)\vert^2\,dx <\infty\right\}\ ,
$

dont on peut montrer qu'il s'agit d'un espace de Hilbert.

Pour cela, soient $ \lambda_m$ et $ \lambda_n$ deux valeurs propres, et $ y_m$ et $ y_n$ les fonctions propres associées. On a alors

$\displaystyle \left[\frac {d}{dx}p(x)\frac{d}{dx}\right]y_m(x)$ $\displaystyle =$ $\displaystyle -(q(x) -\lambda_m w(x))y_m(x)=0\ ,$  
$\displaystyle \left[\frac {d}{dx}p(x)\frac{d}{dx}\right]y_n(x)$ $\displaystyle =$ $\displaystyle -(q(x) -\lambda_n w(x))y_n(x)=0\ .$  

Multipliant complexe conjuguée de la première équation par $ y_n(x)$ et la seconde équation par $ \overline{y_m}(x)$ , on obtient par intégration

$\displaystyle \int_a^b \left( \overline{y_m}(x)\left[p(x)y_n'(x)\right]' -
y_n(...
...= (\lambda_n -\overline{\lambda_m}) \int_a^b w(x) \overline{y_m}(x) y_n(x)\,dx
$

Après intégration par parties, en utilisant les conditions aux bords pour éliminer les termes tout intégrés, on obtient

$\displaystyle (\lambda_n -\overline{\lambda_m}) \int_a^b w(x) \overline{y_m}(x) y_n(x)\,dx
=0\ ,
$

d'où on déduit:

Il est possible de montrer de plus que les fonctions propres sont complètes dans $ L^2([a,b],w)$ : une fonction $ f\in L^2([a,b],w)$ telle que $ \langle f\vert y_n\rangle_w =0$ est nécessairement nulle: $ \Vert f\Vert _w=0$ . Par conséquent, on a
\begin{proposition}
% latex2html id marker 4056Les fonctions propres associ\'e...
...
f = \sum_n \langle y_n\vert f \rangle_w\,y_n\ .
\end{equation}\end{proposition}
Notons que ceci implique directement que $ \forall f\in L^2([a,b],w)$ ,

$\displaystyle L f = \sum_n \lambda_n \langle y_n\vert f \rangle_w\,y_n\ ,$ (2.27)

expression qui sera souvent utile pour la résolution d'équations aux dérivées partielles.

Bruno Torresani 2007-06-26