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Résolution d'équations différentielles par transformation

Dans certaines situations, notamment pour ce qui concerne les équations différentielles à coefficients constants, il est possible d'exploiter les propriétés remarquables de certaines transformations vis à vis de la différentiation.

Transformation de Fourier

Par exemple, étant donnée une fonction $ f$ de classe $ C^p$ , on sait que la transformée de Fourier de sa dérivée $ p$ -ième s'exprime simplement via la transformée de Fourier de la fonction elle même:

$\displaystyle \widehat{f^{(p)}}(\omega) = (i\omega)^p \hat f(\omega)\ ,
$

où on a défini la transformée de Fourier par

$\displaystyle \hat f(\omega) = \frac1{\sqrt{2\pi}}\int_{-\infty}^\infty f(t) e^{-i\omega t}\,dt\ ,$ (2.28)

à condition que la fonction $ f$ soit de classe $ C^p$ sur $ {\mathbb{R}}$ , dont les dérivées tendent vers zéro à l'infini.

REMARQUE 2.5   L'hypothèse $ f\in C^p$ est importante pour que cette relation soit correcte. Si elle n'est pas satisfaite, des termes supplémentaires doivent être pris en compte.

EXEMPLE 2.5   Considérons l'équation différentielle ordinaire

$\displaystyle -f''(x) + a^2 f(x) = g(x)\ ,
$

$ g\in L^2({\mathbb{R}})$ est une fonction fixée. On complète cette équation par les conditions aux limites

$\displaystyle \lim_{x\to\pm\infty} f(x) = 0\ .
$

En faisant l'hypothèse que $ f$ est de classe $ C^2$ , on obtient par transformation de Fourier

$\displaystyle (\omega^2 + a^2)\hat f(\omega) = \hat g(\omega)\ ,
$

d'où on déduit la solution (dans l'espace de Fourier

$\displaystyle \hat f(\omega) = \frac{\hat g(\omega)}{\omega^2+a^2}\ .
$

Une transformation de Fourier inverse (utilisant le théorème des résidus, ou une table de transformées de Fourier) conduit alors à la solution

$\displaystyle f(x) = \frac1{2a}\int_{-\infty}^\infty e^{-a\vert y\vert} g(x-y)\,dy\ .
$

Dans l'exemple ci-dessus, ainsi que dans de nombreux autres exemples, la transformation de Fourier transforme une équation différentielle

$\displaystyle Lf = g
$

(où $ L$ est un opérateur différentiel, à coefficients constants) en équation algébrique

$\displaystyle \Omega(\omega)\hat f(\omega) = \hat g(\omega)\ .
$

Ensuite, si la fonction $ \omega\to 1/\Omega(\omega)$ a de bonnes propriétés, cette équation permet d'exprimer $ \hat f$ en fonction de $ \hat g$ , et finalement $ f$ en fonction de $ g$ . Notons que $ \hat f$ s'exprimant comme produit simple dans le domaine de Fourier, $ f$ s'exprimera comme produit de convolution de $ g$ avec une certaine fonction (appelée réponse impulsionnelle, ou fonction de Green de $ L$ ), transformée de Fourier inverse de $ 1/\Omega$ .

Transformation de Laplace

De même, dans le cas d'une fonction définie sur $ {\mathbb{R}}^+$ (comme on en rencontre dans les problèmes de valeur initiale), elles aussi de classe $ C^p$ sur $ {\mathbb{R}}^+$ , on a recours à la transformée de Laplace

$\displaystyle F(p) = [{\mathcal L}f](p) = \int_0^\infty f(t) e^{-pt}\,dt\ , \Re(p)> s_f$ (2.29)

qui vérifie

$\displaystyle {\mathcal L}f^{(m)}(p) = p^m F(p) - p^{m-1} f(0) -p^{m-2}f'(0) -
\dots -f^{(m-1)}(0)\ .
$

A l'instar de la transformation de Fourier, la transformation de Laplace a la propriété marquante de transformer une équation différentielle à coefficients constants en équation algébrique.


EXEMPLE 2.6   Prenons l'exemple de l'équation de Poisson

$\displaystyle \Delta u = f\ ,$ (2.30)

$ f$ est un second membre fixé, et $ \Delta =d^2/dx^2$ est le Laplacien unidimensionnel. Pour obtenir une solution unique, on sait qu'il est nécessaire de faire des hypothèses supplémentaires, et d'adjoindre à cette équation deux conditions additionnelles. On suppose donc que $ u, u'$ et $ f$ satisfont la condition ([*]) (il est possible de démontrer dans un cadre plus général l'existence de solutions satisfaisant à de telles conditions), et que $ f$ et $ f'$ sont continues. Supposons aussi par exemple que

$\displaystyle u(0)=u_0\ ,\quad u'(0)=v_0\ ,
$

$ u_0$ et $ v_0$ sont deux nombres fixés. On note $ U$ la transformée de Laplace de $ u$ , et $ F$ la transformée de Laplace de $ f$ . Les hypothèses faites assurent l'existence (et l'analyticité) de $ F$ dans un domaine $ \{p\in\mathbb{C},\Re(p)>s_u\}$ , avec $ s_u <\infty$ . on se ramène alors à

$\displaystyle p^2U(p) -p u_0 - v_0 = F(p)\ ,
$

soit encore, pour $ p\ne 0$ ,

$\displaystyle U(p) = \frac{F(p)+v_0}{p^2} + \frac{u_0}p\ ,
$

dans un domaine de valeurs de $ p$ bien choisi: la fonction $ U$ ainsi obtenue est analytique dans le domaine $ \{p\in\mathbb{C},\Re(p)> \max(s_f,0)\}$ . Cette équation permet d'obtenir une solution $ u$ à partir de $ f$ , par transformation de Laplace inverse (que nous verrons plus loin).

On peut toutefois utiliser ce que l'on sait déjà, c'est à dire les propriétés de linéarité de la transformation de Laplace, sa relation avec le produit de convolution ainsi que les quelques transformées de Laplace déjà vues.

Ainsi, on sait que l'original de Laplace de la fonction $ p\to 1/p$ est la fonction de Heaviside $ \Theta$ , et que l'original de Laplace de $ p\to 1/p^2$ est la fonction $ t\to t\Theta(t)$ . Par ailleurs, l'original de Laplace de la fonction $ p\to F(p)/p^2$ est le produit de convolution de $ f$ par la fonction $ t\to t\Theta(t)$ . On en déduit donc

$\displaystyle u(t) = \Theta(t) \left( u_0 + v_0 t + \int_0^t s f(t-s)\,ds\right)\ .
$

Bruno Torresani 2007-06-26