Eléments de théorie de l'intégration

Nous avons jusqu'à présent traité l'intégration en évitant d'entrer dans les détails. Cependant, pour pouvoir aborder certains aspects plus fins, il est maintenant nécessaire de préciser quelque peu les choses, sans toutefois entrer dans les détails. On donne ici une description ``superficielle'' de la différence entre l'intégration ``à la Riemann'' et l'intégration ``à la Lebesgue''. Plus de détails peuvent être trouvés dans les références indiquées à la fin de ce chapitre.

La théorie de l'intégration qui nous est familière est la théorie de l'intégration de Riemann. Cette intégrale est construite de la façon suivante. Supposons que nous voulions calculer

sont deux nombres finis. On commence par ``découper'' l'intervalle $ [a,b]$ en $ n$ sous-intervalles de taille inférieure à un certain , avec et . Puis on forme la quantité

L'intégrale est alors égale à la limite de cette dernière quantité lorsque , quand cette limite existe. C'est en particulier le cas lorsque est une fonction continue, mais aussi une fonction bornée admettant une infinité de discontnuités. On montre également que cette intégrale existe pour une certaine classe de fonctions non bornées. Par exemple, si est divergente en , on convient de définir la limite quand de la somme , quand cette limite existe.

Cependant, cette théorie n'est pas encore assez générale pour permettre d'intégrer certaines fonctions simples. Par exemple, la fonction de Dirichlet , définie par

Cette fonction n'est pas intégrable au sens de Riemann. Mais la notion d'intégrale introduite par H. Lebesgue en 1900 permet de donner une définition à l'intégrale de cette fonction, et de montrer qu'elle est en fait nulle. Très grossièrement, la construction de Lebesgue revient à découper l'axe des ordonnées plutôt que l'axe des abscisses. Plus précisément, étant donnée une fonction , on commence par partager le domaine dans lequel prend ses valeurs en sous-intervalles . Etant donné un intervalle , on note l'ensemble des $ t$ tels que , et on attribue à l'ensemble sa mesure de Lebesgue ; par exemple, si est un intervalle, sa mesure est la longueur de l'intervalle. Ou si est une réunion d'intervalles disjoints, sa mesure est la somme des longueurs des intervalles. Autre exemple, si est réduit à un point ou un ensemble fini ou dénombrable de points, sa mesure est nulle. On considère alors les sommes partielles

, et est alors défini comme la limite de ces expressions quand l'on fait tendre tous les vers 0, quand cette limite existe.

Très grossièrement, la différence entre l'intégration à la Riemann'' et l'intégration ``à la Lebesgue'' peut être schématisée comme en FIG. [*]. On y voit en particulier que le découpage effectué dans le cadre de l'intégration ``à la Lebesgue'' est bien plus précis dans les régions où la fonction intégrée varie rapidement.

Figure: L'intégration ``à la Riemann'' (à gauche) et l'intégration ``à la Lebesgue'' (à droite)

EXEMPLE B..1   Revenons à la fonction de Dirichlet. Elle ne peut prendre que deux valeurs différentes, 0 et 1. En notant le domaine des valeurs de $ t$ pour lesquelles , on voit que n'est autre que l'ensemble des nombres rationnels, qui est un ensemble infini dénombrable. Donc sa mesure est égale à 0, et par conséquent, l'intégrale de la fonction de Dirichlet est nulle.

REMARQUE B..1   Nous avons vu intervenir la notion de mesure d'un ensemble. Il découle de la construction même de l'intégrale de Lebesgue que si deux fonctions diffèrent sur un ensemble de mesure nulle (on dit alors qu'elles sont égales presque partout), leurs intégrales seront égales.

On montre que les résultats classiques de la théorie de l'intégration (intégration par parties, lemme de Fubini,...) restent valides dans le cadre de la théorie de Lebesgue. De plus, le résultat suivant, appelé théorème de convergence dominée de Lebesgue est très important, car il donne d'une part un moyen de vérifier l'intégrabilité d'une fonction, mais aussi de calculer l'intégrale.

Bruno Torresani 2007-06-26