Sous-sections
Repères dans un espace de Hilbert
Il existe des situations dans lesquelles on a intérêt,
plutôt que d'utiliser des bases orthonormées, à utiliser des familles
de fonctions qui sont complètes mais pas libres. On parle alors de familles
surcomplètes, ou de repères. La famille sur laquelle l'on décompose
le signal n'étant pas libre, les coefficients de la décomposition sont
redondants, et la représentation n'est donc pas ``économique''.
Cependant, on verra que cette représentation présente l'avantage d'être
plus robuste, c'est à dire moins sensible aux perturbations, qu'une
décomposition par rapport à une base.
EXEMPLE B..1 Considérons le plan

, muni d'une base orthonormée

.
Alors,
en posant

et

,
il est immédiat que

est un repère strict de

:
pour tout

, on a

.
Plus généralement, toute famille finie de vecteurs est un repère de
l'espace qu'elle engendre.
On associe naturellement à un repère les deux opérateurs suivants:
l'opérateur
, défini par
 |
(B.1) |
et
, défini par
 |
(B.2) |
Le résultat suivant est vérifié sans difficulté.
Preuve:
est auto adjoint: en effet, pour tous
, on a
est borné: Calculons, pour
est injectif: soit
tel que
.
Alors
,
et donc
, qui implique
.
est surjectif: pour tout
, on a
.
est borné inférieurement,
donc surjectif.
Par conséquent,
est bijectif. Comme on a de plus
pour tout
,
, on en déduit que
est borné également.
étant auto adjoint, il résulte de (
)
que son spectre est inclus dans l'intervalle
, ce
que l'on écrit aussi
étant inversible, on peut écrire, pour tout
 |
(B.3) |
oú on a posé
 |
(B.4) |
Les
possèdent des propriétés
similaires à celles des
. En particulier:
Preuve: La proposition résulte de l'estimation
suivante, qui est facilement vérifiée: pour tout
,
 |
(B.5) |
On a donc aussi l'égalité, pour tout
 |
(B.6) |
REMARQUE B..1 Dans le cas d'un repère strict, c'est à dire dans le cas

,

est un multiple de l'identité, de sorte que l'on a pour tout

,

. On a ainsi, pour

,
 |
(B.7) |
Dans le cas général, il est nécessaire d'utiliser la
formule (
![[*]](crossref.png)
) pour expliciter un

à partir
des coefficients

, ce qui n'est pas toujours
facile car

ne possède pas de forme explicite en général.
On verra un peu plus loin comment résoudre ce problème.
EXEMPLE B..2 Des exemples utiles de repères sont donnés par les repères
trigonométriques.
On sait que le système trigonométrique, formé des fonctions
 |
(B.8) |
est une base de
![$ L^2([0,\pi])$](img1285.png)
. Considérons le système de fonctions
 |
(B.9) |
Soit
![$ f\in L^2([0,\pi])$](img1380.png)
. Alors
où

est définie par
L'égalité de Parseval donne alors
 |
(B.10) |
Donc, la famille

est un repère strict de
![$ L^2([0,\pi])$](img1285.png)
,
de borne

.
De tels repères, ou plutôt leurs analogues
finis, sont utilisés par exemple en restauration d'images, c'est
à dire pour reconstituer des images dont certains pixels sont
manquants.
Figure:
Comparaison d'une série de Fourier usuelle et d'une
décomposition redondante: le cas d'une fonction linéaire.
A gauche, la fonction, sa reconstruction à partir de 11
modes de Fourier
et 21 fonctions
; au centre, même
chose, avec 21 fonctions
et 41 fonctions
; à
droite, les erreurs de reconstruction.
|
Considérons maintenant l'opérateur
défini en (
).
Il est possible de donner une caractérisation de l'image de
par
.
Dans le cas d'une base orthonormée
de
, le théorème de Riesz-Fisher établit une
correspondance bijective entre
et
. Dans le
cas d'un repère, la suite
des coefficients
de
est bien dans
. Il résulte de la définition que
est injectif,
et que
 |
(B.11) |
n'est pas nécessairement surjectif. En fait, si les éléments du
repère
sont linéairement dépendants,
est
strictement inclus dans
. En effet supposons que la suite
soit telle que
. Alors on peut écrire, pour
:
de sorte que
.
étant injectif, il possède
un inverse défini sur
, que l'on peut prolonger de façon
arbitraire à
.
Parmi tous les inverses à gauche possibles, on utilise généralement
le pseudo-inverse
, défini par
![$\displaystyle \tilde U{^{-1}}\left[ Im(U)^\perp\right]=0\ .$](img1398.png) |
(B.12) |
Le résultat suivant donne une description plus ``géométrique''
de la situation.
Preuve:
Soit
. Il admet une unique décomposition
, avec
et
. On suppose
. Soit
un inverse à gauche de
. Alors on a
Donc,
.
Soit
. Alors, il existe
tel que
.
On a alors, en utilisant (
),
Calculons enfin
,
pour
. Il est clair que
. On a aussi par définition
. Reste à montrer que
. Soit
. On a
.
On a donc bien
, ce qui achève la preuve.
L'opérateur
possède un statut particulier,
comme le montre le corollaire suivant:
Preuve:
Avec les mêmes notations que ci dessus, soit
(où
). On a
, et il existe
tel que
, et
. Donc
il s'agit bien d'un projecteur orthogonal.
Par définition, on a
. Donc,
REMARQUE B..2
Utilité des décompositions redondantes: Les décompositions redondantes apportent une stabilité
supplémentaire aux décompositions. En effet, soit

un vecteur
fixé, et soit

. Supposons qu'une erreur

soit commise sur

: soient
En notant

la projection de

sur

, et

sa projection sur

, on voit immédiatement
que

, et que donc
Ainsi, la composante

de l'erreur disparait lors de
l'inversion de la décomposition. On voit donc que dans des
situations où on se doute à l'avance qu'une erreur importante
va être commise sur les coefficients, lors d'une étape de
transmission par exemple, on a intérêt à utiliser des
décompositions par rapport à des repères de préférence à des
décompositions sur des bases, car une partie de l'erreur disparaitra
lors de la resynthèse.
REMARQUE B..3 Dans un contexte de traitement du signal, des décompositions
redondantes telles que des décompositions par rapport à des repères
trouvent leur utilité pour le codage des signaux, dès que l'on
s'attend à ce que le signal codé soit perturbé par un ``bruit''.
La question qui se pose en pratique est la suivante: étant donnés
les coefficients de
par rapport à un repère
, comment retrouver
à partir de ces
coefficients ?
Nous connaissons déjà la réponse dans le cas d'un repère
strict, puisque dans ce cas l'opérateur
est un multiple
de l'identité. La situation est un peu plus complexe dans le cas
général, puisqu'il faut utiliser la relation
et
n'est pas connu explicitement.
Considérons l'opérateur de repère
. On sait que
. Par conséquent, on a aussi
Posons
Un calcul immédiat montre que
 |
(B.13) |
Par conséquent, l'opérateur
est inversible, et la série de
Neumann correspondante
est convergente. On peut donc écrire
 |
(B.14) |
Ceci conduit à l'algorithme d'inversion suivant: en posant
on commence par évaluer
On sait alors que
de sorte que
Si la précision est suffisante, c'est à dire si la constante
est assez faible, on se contentera de
comme approximation de
. Si tel n'est pas le cas, il faut
pousser plus loin le développement, et considérer
On a alors évidemment un ordre d'approximation supplémentaire:
REMARQUE B..4 L'algorithme d'inversion qu'on a vu ci-dessus a l'avantage d'être
simple, mais n'est pas optimal. En pratique, il est souvent plus
avantageux d'utiliser des méthodes classiques d'inversion, telles
que des méthodes de gradient conjugué par exemple.
REMARQUE B..5 Il est possible de montrer que les bases orthonormées que nous avons
vues plus haut peuvent être remplacées par des repères construits
de la même manière. C'est en particulier le cas des
bases trigonométriques locales (on construit facilement des repères
trigonométriques locaux), et des ondelettes, pour lesquelles il est même
plus facile de construire des repères ue des bases.
Bruno Torresani
2007-06-26