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Problèmes elliptiques: le Laplacien

Avant d'aborder les problèmes elliptiques, il est utile de s'attarder un peu sur le Laplacien.

Le Laplacien

L'opérateur Laplacien joue un rôle majeur en Physique. En effet, il intervient par exemple dans le calcul des variations de fonctionnelles faisant intervenir la norme carrée du gradient d'une fonction, ce qui est une situation courante.

Le Laplacien peut prendre différentes formes, suivant le système de coordonnées utilisé. Par exemple, dans le cas bidimensionnel, il s'écrit soit en coordonnées Cartésiennes, soit en coordonnées polaires (voir la Figure [*]):

$\displaystyle \Delta f(x,y)$ $\displaystyle =$ $\displaystyle \frac{\partial^2 f(x,y)}{\partial x^2} +
\frac{\partial^2 f(x,y)}{\partial y^2}$ (3.2)
$\displaystyle \Delta g(r,\theta)$ $\displaystyle =$ $\displaystyle \frac{\partial^2 g(r,\theta)}{\partial r^2} +
\frac1{r}\,\frac{\p...
...{\partial r} +
\frac1{r^2}\,\frac{\partial^2 g(r,\theta)}{\partial \theta^2}\ .$ (3.3)

Figure: Systèmes de coordonnées polaires dans le plan.
Image polaire
Dans le cas tridimensionnel, on peut l'exprimer en coordonnées Cartésiennes, cylindriques ou sphériques (voir la Figure [*]):
$\displaystyle \quad\Delta f(x,y,z)$ $\displaystyle =$ $\displaystyle \frac{\partial^2 f(x,y,z)}{\partial x^2} +
\frac{\partial^2 f(x,y,z)}{\partial y^2} +
\frac{\partial^2 f(x,y,z)}{\partial z^2}$ (3.4)
$\displaystyle \quad\Delta g(r,\theta,z)$ $\displaystyle =$ $\displaystyle \frac{\partial^2 g(r,\theta,z)}{\partial r^2} +
\frac1{r}\frac{\p...
...^2 g(r,\theta,z)}{\partial \theta^2} +
\frac{\partial^2 g(x,y,z)}{\partial z^2}$ (3.5)
$\displaystyle \quad\Delta h(r,\theta,\varphi)$ $\displaystyle =$ $\displaystyle \frac{\partial^2 h(r,\theta,\varphi)}{\partial r^2} +
\frac2{r}\f...
...c1{r^2\sin^2\varphi}\,
\frac{\partial^2 h(r,\theta,\varphi)}{\partial \theta^2}$ (3.6)
$\displaystyle \quad$   $\displaystyle \qquad\qquad + \frac1{r^2}
\frac{\partial^2 h(r,\theta,\varphi)}{...
...} +
\frac1{r^2\tan\varphi}\frac{\partial h(r,\theta,\varphi)}{\partial \varphi}$  

Figure: Systèmes de coordonnées cylindriques et sphériques dans l'espace 3D.
Image cylindrique     Image spherique


Il est important de bien comprendre la signification physique du Laplacien, nous allons l'illustrer dans le cas bidimensionnel. L'information fondamentale est que le Laplacien d'une fonction de deux variables $ F$ mesure la concavité de $ F$ au point considéré. Ainsi:

De là, nous pouvons donner une interprétation simple à un certain nombre d'équations classiques de la physique.

  1. L'équation de Laplace $ \Delta u=0$ traduit le fait que la solution $ u$ est toujours égale à sa moyenne prise sur un voisinage. Par exemple, la hauteur d'une membrane attachée par son bord satisfait l'équation de Laplace. Ceci traduit le fait que la hauteur de la membrane en un point est toujours égale à la moyenne des hauteurs sur un petit cercle centré en ce point.
  2. L'équation de la chaleur $ u'_{t} =\alpha^2\Delta u$ décrit (entre autres) l'évolution d'un champ de température (ou de concentration), et peut s'interpréter comme le fait que la variation de température $ u'_{t}(x,y)$ au point de coordonnées $ (x,y)$ est proportionnelle $ \Delta u(x,y)$ , c'est à dire à la concavité de la membrane au point de coordonnées $ (x,y)$ . Ainsi, si $ u(x,y)$ est inférieur à la moyenne de $ u$ dans un voisinage de $ (x,y)$ , alors la température en ce point va augmenter. Inversement, si $ u(x,y)$ est supérieur à la moyenne de $ u$ dans un voisinage de $ (x,y)$ , alors la température en ce point va diminuer.
  3. L'équation des ondes $ u''_{tt} = \alpha^2 \Delta u$ décrit (entre autres) le déplacement vertical de la membrane d'un tambour, et peut s'interpréter comme le fait que l'accéleration (ou la force) $ u''_{tt}(x,y)$ au point de coordonnées $ (x,y)$ est proportionnelle $ \Delta u(x,y)$ , c'est à dire à la concavité de la membrane au point de coordonnées $ (x,y)$ . Ainsi, si $ u(x,y)$ est inférieur à la moyenne de $ u$ dans un voisinage de $ (x,y)$ , alors l'accélération (et la force) est positive.

Conditions aux bords

On s'intéresse ici à ce que l'on appelle des problèmes aux bords, c'est à dire des équations aux dérivées partielles faisant intervenir des dérivées spatiales, définies dans un domaine borné, et dans lesquels des conditions aux bords sont spécifiées. Ce type de problème peut se rencontrer dans de nombreuses circonstances, par exemple après avoir éliminé une variable temporelle d'un problème parabolique ou hyperbolique par séparation des variables.

Conditions de Dirichlet

Les conditions aux bords de Dirichlet spécifient les valeurs de la solution sur le bord du domaine. L'exemple le plus simple, en deux dimensions, est fourni par l'équation de Laplace

$\displaystyle \Delta u(x,y) = 0\ ,$ (3.7)

dans un disque $ \Omega$ de rayon $ R$ fixé, avec une condition aux bords

$\displaystyle u(x,y) = g(x,y)\ ,\qquad\forall (x,y)\in\partial\Omega\ ,$ (3.8)

$ g$ étant une fonction fixée sur $ \partial\Omega$ . On parle alors de problème de Dirichlet intérieur , par opposition au problème de Dirichlet extérieur , dans lequel on résout ([*]) dans l'espace extérieur à $ \Omega$ (son complémentaire dans le plan), toujours avec la condition aux bords ([*]).

Conditions de Neumann

Ici, contrairement au cas des conditions aux bords de Dirichlet, on fixe la valeur de la dérivée normale de la solution à la frontière du domaine considéré. La dérivée normale correspond généralement à une quantité physique appelée le flux: ce qui entre (ou qui sort) du domaine considéré.

Etant donné le vecteur $ {\underline{n}}(x,y)$ , normal au bord $ \partial\Omega$ du domaine $ \Omega$ au point $ (x,y)\in\partial\Omega$ on note

$\displaystyle \frac{\partial u(x,y)}{\partial n} = {\underline{n}}(x,y) \cdot \nabla u(x,y)
$

la dérivée normale de $ u$ au point $ (x,y)$ de $ \partial\Omega$ .

Les conditions de Neumann prennent la forme

$\displaystyle \frac{\partial u(x,y)}{\partial n} = g(x,y)\ , \qquad\forall (x,y)\in\partial\Omega\ ,$ (3.9)

$ g$ étant une fonction fixée sur $ \partial\Omega$ . On parle alors de problème de Neumann intérieur , et de problème de Neumann extérieur pour le cas complémentaire.

Conditions mixtes

On verra également apparaître des conditions au bord ``mixtes'', faisant intervenir à la fois la valeur de la solution sur le bord et sa dérivée normale. Ce cas de figure se présentera notamment dans le cas de l'équation de la chaleur ci dessous.

$\displaystyle \frac{\partial u(x,y)}{\partial\eta} + \lambda u(x,y) = g(x,y)\ , \qquad\forall (x,y)\in\partial\Omega\ ,$ (3.10)

Le problème de Dirichlet intérieur en dimension 2 pour l'équation de Laplace

On s'intéresse au problème de Dirichlet intérieur pour l'équation de Laplace dans un disque de rayon unité. En coordonnées polaires, le problème est le suivant:

$\displaystyle \frac{\partial^2 u(r,\theta)}{\partial r^2} +
\frac1{r}\,\frac{\p...
...a)}{\partial r} +
\frac1{r^2}\,\frac{\partial^2 u(r,\theta)}{\partial \theta^2}$ $\displaystyle =$ $\displaystyle 0\ ,
\quad r\le 1$ (3.11)
$\displaystyle u(1,\theta)$ $\displaystyle =$ $\displaystyle g(\theta)\ ,$ (3.12)

$ g$ étant une fonction fixée.

On utilise la méthode de séparation des variables, et on recherche des solutions sous la forme

$\displaystyle u(r,\theta) = R(r)\Theta(\theta)\ ,$ (3.13)

$ R$ et $ \Theta$ sont des fonctions supposées de classe $ C^2$ .

En reportant cette forme particulière dans l'équation de Laplace, et en divisant membre à membre par $ R\Theta$ , on obtient

$\displaystyle \frac{R''(r)}{R(r)} + \frac1{r}\frac{R'(r)}{R(r)} +
\frac1{r^2} \frac{\Theta''(\theta)}{\Theta(\theta)}=0\ ,
$

qui s'écrit aussi

$\displaystyle r^2 \frac{R''(r)}{R(r)} + r \frac{R'(r)}{R(r)}
= -\frac{\Theta''(\theta)}{\Theta(\theta)}\ .
$

Le premier membre étant indépendant de $ \theta$ , et le second étant indépendant de $ r$ , ils sont tous deux égaux à une constante, appelée constante de séparation, que l'on pose égale à $ \lambda^2$ , avec $ \lambda\in\mathbb{C}$ . Ceci nous conduit au système de deux équations découplées
$\displaystyle r^2 R''(r) + rR'(r) -\lambda^2 R(r)$ $\displaystyle =$ 0 (3.14)
$\displaystyle \Theta''(\theta) + \lambda^2 \Theta(\theta)$ $\displaystyle =$ $\displaystyle 0\ .$ (3.15)

L'équation angulaire se résout facilement, et donne des solutions de la forme

$\displaystyle \Theta(\theta) = A e^{i\lambda\theta} + B e^{-i\lambda\theta}\ ,$ (3.16)

et les contraintes de régularité sur $ \Theta$ impliquent que $ \lambda$ doit être un entier, que l'on peut choisir positif sans perte de généralité.

$\displaystyle \lambda = n\in\mathbb{Z}^+\ .
$

Passons maintenant à l'équation radiale. Il faut distinguer deux cas, selon que $ n=0$ ou $ n\ne 0$ .

Si $ n=0$ , on a l'équation

$\displaystyle rR''(r) + R'(r) = 0\ ,
$

qui équivaut à l'équation de Sturm-Liouville simple $ (rR'(r))'=0$ , d'où $ r R'(r) = \beta$ et donc

$\displaystyle R_0(r) = \beta\ln(r) + \alpha_0\ .$ (3.17)

Si l'on veut que la solution soit bornée en $ r=0$ , on doit nécessairement avoir $ \beta=0$ , d'où

$\displaystyle R_0(r) = \alpha_0\ .
$

Si $ n\ne 0$ : l'équation prend la forme

$\displaystyle r^2 R''(r) + r R'(r) - n^2 R(r) = 0\ ,
$

qui est une équation à coefficients non constants, qui peut être résolue par la méthode de Fröbenius. Il y a en fait plus simple, en observant que l'on peut rechercher des solutions sous la forme $ R(r) = r^\lambda$ ; en reportant cette forme particulière, on obtient

$\displaystyle \lambda(\lambda-1) + \lambda -n^2 = 0\ ,
$

d'où la solution $ \lambda=\pm n$ . On vérifie facilement que

$\displaystyle R_n(r) = \alpha_n r^n + \beta_n r^{-n}\ ,$ (3.18)

et de nouveau la contrainte d'avoir une solution bornée implique $ \beta_n=0$ , d'où la solution

$\displaystyle R_n(r) = \alpha_n r^n\ .
$

Les solutions à variables séparées conduisent à une solution de la forme

$\displaystyle u(r,\theta) = a_0 + \sum_{n=1}^\infty r^n \left(a_n e^{in\theta} +
b_n e^{-in\theta}\right)
$

pour certaines constantes $ a_n,b_n\in\mathbb{C}$ , à déterminer.

Il est maintenant temps d'imposer les conditions aux bords:

$\displaystyle u(1,\theta) = \sum_{n=0}^\infty \left(a_n e^{in\theta} +
b_n e^{-in\theta}\right) = g(\theta)\ ,\quad\forall\theta\ .
$

En posant

$\displaystyle a_{-n} = b_n\ ,\quad\forall n\in\mathbb{Z}^{-}\ ,
$

on peut remarquer que les coefficients $ a_n$ ne sont autres que les coefficients de Fourier de la fonction $ g$

$\displaystyle a_n = \frac1{2\pi}\,\int_0^{2\pi} g(\theta) e^{-in\theta}\,d\theta\ .
$

Ceci conclut la solution du problème. Dans le cas un peu plus général d'un disque de rayon fixé $ R$ , on montre de même
\begin{theorem}
Soit ${\mathcal D}$\ un disque de rayon $R$, centr\'e sur l'orig...
... e^{-in\theta}\,d\theta\
,\quad
b_n = a_{-n}\ .
\end{equation}\par
\end{theorem}

EXEMPLE 3.1   Considérons le cas

$\displaystyle g(\theta)=1\ .
$

Alors on voit facilement que

$\displaystyle a_n = \delta_{n,0}\ ,
$

et que la solution est donc donnée par

$\displaystyle u(x,y) = 1\ ,\quad\forall (x,y)\in{\mathcal D}\ .
$

EXEMPLE 3.2   Considérons le cas

$\displaystyle g(\theta)=\cos(k\theta)\ ,\quad k\in\mathbb{Z}\ .
$

On voit facilement que

$\displaystyle a_n = \frac1{2} \left(\delta_{n,k} + \delta_{n,-k}\right),
$

et la solution est donc de la forme

$\displaystyle u(x,y) = r^k \cos(\theta)\ ,\quad\mathrm{avec }\ r=\sqrt{x^2+y^2},\
\theta=\mathrm{arctg}(y/x)\ .
$


Une autre forme de cette solution est donnée par la formule intégrale de Poisson
\begin{corollary}
La solution du probl\\lq eme de Dirichlet int\'erieur sur le cerc...
...+ r^2 -2rR\cos(\theta-\alpha)}\,g(\alpha)\,d\alpha
\end{equation}\end{corollary}

Preuve: Il suffit de reporter les coefficients de Fourier à l'intérieur de la solution trouvée:

$\displaystyle u(r,\theta)\!\!$ $\displaystyle =$ $\displaystyle \frac1{2\pi}\left[
\int_0^{2\pi}\!\!\!\!g(\alpha)\,d\alpha +
\sum...
... \int_0^{2\pi}\!\!\!\!\!\!e^{-in(\theta-\alpha)}g(\alpha)d\alpha\right)
\right]$  
  $\displaystyle =$ $\displaystyle \frac1{2\pi}\int_0^{2\pi}
\left[1 + \sum_{n=1}^\infty\left(\frac{...
...{in(\theta-\alpha)} +
e^{-in(\theta-\alpha)}\right)\right] \,g(\alpha)\,d\alpha$  
  $\displaystyle =$ $\displaystyle \frac1{2\pi}\int_0^{2\pi}
\left[ 1 + \frac1{1-re^{i(\theta-\alpha)}/R} +
\frac1{1-re^{-i(\theta-\alpha)}/R} -2\right]
\,g(\alpha)\,d\alpha\ ,$  

d'où on déduit le résultat par simplification. $ \spadesuit$

Problème extérieur, problème dans une couronne

Le problème extérieur
$\displaystyle \frac{\partial^2 u(r,\theta)}{\partial r^2} +
\frac1{r}\,\frac{\p...
...a)}{\partial r} +
\frac1{r^2}\,\frac{\partial^2 u(r,\theta)}{\partial \theta^2}$ $\displaystyle =$ $\displaystyle 0\
,\quad
r\ge 1$ (3.19)
$\displaystyle u(1,\theta)$ $\displaystyle =$ $\displaystyle g(\theta)\ ,$ (3.20)

$ g$ étant une fonction fixée. peut être résoilmu de façon tout à fait similaire. Les solutions générales angulaire ([*]) et radiale ([*]) et ([*]) sont toujours valides. L'exigence d'une solution bornée impose encore la nullité du coefficient du terme logarithmique dans ([*]), mais impose cette fois la nullité des coefficients des termes en $ r^{n}$ dans ([*]), ce qui conduit à des solutions de la forme

$\displaystyle u(r,\theta) = a_0 + \sum_{n=1}^\infty \left(\frac{r}{R}\right)^{-n} \left(a_n e^{in\theta} + b_n e^{-in\theta}\right)$ (3.21)

où les coefficients sont toujours donnés par ([*]).

Bruno Torresani 2007-06-26