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Produit de convolution des fonctions et des distributions

Le produit de convolution des fonctions (et des distributions) joue un rôle fondamental en Physique. On va se limiter ici au cas des fonctions (et distributions) d'une variable; la généralisation des définitions au cas de plus d'une variable se fait assez simplement, mais certaines propriétés et applications sont parfois bien plus complexes en dimensions supérieures.

Convolution des fonctions

Rappelons tout d'abord la définition du produit de convolution des fonctions. Etant données deux fonctions $ f,g$ d'une variable réelle, leur produit de convolution est la fonction définie par

(5.19)

pour tout $ t$ tel que l'intégrale converge. Le produit de convolution possède des propriétés simples: il est commutatif, et distributif par rapport à l'addition.

La notion de convolution joue un rôle fondamental en physique. Elle intervient en particulier lorsqu'une quantité physique, représentée par une fonction $ f$ , est mesurée à l'aide d'un dispositif expérimental. Ce dernier est généralement incapable de reproduire les fluctuations les plus rapides de $ f$ , et ne donne pour approximation de la valeur en $ t$ qu'une moyenne locale des valeurs de $ f$ dans un voisinage de $ t$ . On représente ceci via un produit de convolution comme en ([*]), où la fonction $ g$ est une fonction localisée autour de 0 (de sorte que est localisée autour de ), qui représente en quelque sorte la réponse du dispositif expérimental.

REMARQUE 5.3   Un dispositif expérimental parfait admettrait comme réponse une fonction $ g$ telle que . Or il s'avère que la réponse $ g$ permettant ceci n'est autre que la distribution de Dirac:

Support d'une distribution

Rappelons tout d'abord la notion de support d'une fonction. Par définition, le support d'une fonction d'une variable réelle $ f$ est le plus petit sous-ensemble fermé de $ {\mathbb{R}}$ tel que $ f$ s'annulle en dehors de ce domaine. Plus généralement, en dimension quelconque, étant donnée $ f:{\mathbb{R}}^n\to\mathbb{C}$ ,

la barre représentant la fermeture.

Ceci nous permet de donner un sens à la notion de support d'une distribution.

Bien évidemment, le support d'une distribution régulière coïncide avec le support de .

EXEMPLE 5.13   Il est facile de vérifier que le support de la distribution de Dirac $ \delta$ est le singleton . De même, le support de $ \delta_a$ est le singleton . En dimension supérieure, le support de la distribution sur une courbe de est la courbe elle-même.

Muni de cette définition, on peut alors introduire aussi les notions suivantes

Convolution des distributions

Comme d'habitude, la convolution des distributions s'obtient comme généralisation de la convolution des distributions régulières. Considérons donc et les distributions régulières associées. Alors, , et on peut considérer : soit $ f\in{\mathcal D}({\mathbb{R}})$ ,

est l'opérateur de translation

On reconnait dans l'intégrale sur $ t$ l'action de la distribution régulière sur $ f$

qui produit donc une fonction de $ s$ ; l'intégrale par rapport à $ t$ représente alors l'action de sur cette fonction de $ s$ , ce que l'on note

où on a aussi noté la fonction d'une variable réelle

Cette fonction possède la propriété suivante

Dans un cadre plus général, en définissant l'action d'un opérateur de translation sur une distribution par

on est conduit à définir de même la fonction par

(5.20)

On peut alors introduire le produit de convolution de deux distributions:

Malgré cette définition quelque peu formelle, le produit de convolution est relativement simple à utiliser, comme on le verra. En pratique, on utilise souvent la notation des distributions comme fonctions généralisées, ce qui permet de se débarrasser des notations trop lourdes.


En fait, le produit de convolution de deux distributions données n'est pas toujours bien défini. Il l'est toutefois au prix d'hypothèses supplémentaires.

Alors, le produit de convolution possède les propriété suivantes:

  1. Il est commutatif:

  2. Il est distributif par rapport à l'addition:

  3. Il est associatif,

    lorsque toutes ces opérations sont bien définies.

EXEMPLE 5.14   La distribution de Dirac est élément neutre pour le produit de convolution:

Similairement, pour tout réel $ a$ , on montre que

d'où, en appliquant cela au peigne de Dirac, on obtient pour tout

Cette distribution est appelée périodisée de $ T$ de période $ h$ .

Equations de convolution

L'utilisation des distributions pour la résolution d'équations différentielles et équations aux dérivées partielles repose essentiellement sur le résultat suivant:

Preuve: Commençons par la première partie, et supposons que existe. Alors aussi, et
$\displaystyle =$  
  $\displaystyle =$  
  $\displaystyle =$  
  $\displaystyle =$  
  $\displaystyle =$  

car la dérivation commute avec les translations. L'autre égalité se montre de même. La preuve pour les dérivées de tous ordres est identique.

Pour la seconde partie, il suffit de remarquer que

cette démonstration se généralisant elle aussi à tous les ordres. $ \spadesuit$


La conséquence immédiate de cette proposition est que les équations différentielles au sens des distributions peuvent se mettre sous la forme d'équations de convolution. Plus précisément, considérons une équation différentielle d'ordre $ n$ , de la forme

où les sont des coefficients fixés, et le membre de droite est lui aussi supposé connu. Cette équation se met sous la forme

où la distribution $ T$ est donnée par

La question est alors la suivante: peut on trouver un ``inverse'' à $ T$ pour le produit de convolution. En d'autres termes, puisque comme on l'a vu, la distribution de Dirac est élément neutre pour le produit de convolution, existe-t-il une distribution, que l'on note , telle que

Si tel est le cas, on pourra alors écrire

ce qui résout l'équation différentielle.

La question est: dans quel cadre ce calcul a-t-il un sens ?

Un cadre possible est donné par les algèbres de convolution.

EXEMPLE 5.15   Les sous-espaces de $ {\mathcal D}'({\mathbb{R}})$ suivants sont des algèbres de convolution:

Considérons l'équation de convolution

(5.21)

Etant donnée une algèbre de convolution , et une distribution , si il existe telle que

(5.22)

alors il est possible de montrer que $ U$ est unique dans .

EXEMPLE 5.16   Dans , soit la distribution de Heaviside (distribution régulière associée à la fonction de Heaviside). On considère l'équation

On a déjà vu que , et comme , on a

est l'inverse de convolution de , et est donc la solution élémentaire dans de l'équation ci-dessus.

EXEMPLE 5.17   La primitive peut aussi s'interpréter en termes de solution fondamentale. On considère cette fois l'équation, toujours dans

Comme on vient de le voir, l'inverse de convolution de est , qui est donc solution fondamentale de l'équation ci-dessus.

Application aux problèmes de valeur initiale

On vient de voir que la dérivation des distributions est équivalente à la convolution avec une dérivée de la distribution de Dirac. Un domaine d'applications immédiat est constitué par les équations différentielles. On se limite ici à un cadre relativement simple, qui permet toutefois de cerner les points importants.

Considérons l'équation différentielle au sens des distributions

(5.23)

où les $ a_k$ sont des coefficients fixés, et le membre de droite est lui aussi fixé. Comme on l'a vu, cette équation se met sous la forme

où la distribution est donnée par

(5.24)



EXEMPLE 5.18   Considérons l'exemple simple d'un circuit ; on note la tension générée par un générateur, et la tension aux bornes du condensateur. Comme on l'a vu, et sont liés par l'équation

. Il s'agit donc d'un problème de la forme

avec , et . La solution élémentaire prend donc la forme d'une distribution régulière

$ u$ , solution de avec est donné par

Finalement, la solution est donc

La solution élémentaire possède une interprétation physique simple: elle donne la réponse du système à une ``impulsion élémentaire'', représentée par une distribution de Dirac:

C'est pourquoi on appelle parfois réponse impulsionnelle la solution élémentaire.

Dans le cas où le système étudié (ici le circuit ) est excité par une distribution plus complexe, la solution apparaît comme une superposition de ces réponses impulsionnelle.

Supposons maintenant que soit une distribution régulière, pour une certaine fonction . On a alors

La fonction prend la forme

Bruno Torresani 2007-06-26