Sous-sections

SIGNAUX ANALOGIQUES;
FILTRAGE ET ECHANTILLONNAGE


Après avoir analysé les signaux numériques, on passe maintenant au cas des signaux analogiques. Comme on le verra, toutes les manipulations que l'on peut effectuer sur les signaux numériques ont leur contrepartie dans le cas des signaux analogiques, ce dernier cas présentant quelques difficultés supplémentaires. On se posera également le problème de l'échantillonnage, c'est à dire le problème du passage d'un signal analogique à un signal numérique.

Préliminaires

Un signal analogique est par définition une fonction d'une (ou plusieurs) variable(s) continue(s), résultant par exemple d'une mesure physique. Deux concepts importants sont les concepts d'énergie et de puissance d'un signal. Pour cela, il est utile de considérer un exemple.

EXEMPLE 3.1   Considérons un circuit électrique, dont on mesure la tension aux bornes d'une résistance $ R$ . Si on note $ i(t)$ l'intensité du courant dans la résistance, et $ v(t)$ la tension aux bornes de cette dernière, l'énergie est donnée par

$\displaystyle E = R \int_{-\infty}^\infty \vert i(t)\vert^2 dt = \frac1{R} \int_{-\infty}^\infty \vert v(t)\vert^2 dt\ .
$

Par conséquent, on appelera par convention énergie d'un signal le carré de sa norme $ L^2$

$\displaystyle E = \vert\vert f\vert\vert^2= \int_{-\infty}^\infty \vert f(t)\vert^2\, dt$ (3.1)

quand celle-ci est définie.

Une autre quantité utile est la puissance d'un signal. On définit usuellement trois quantités:

Cette dernière quantité trouve son utilité pour l'étude des signaux dont l'énergie n'est pas définie.

Un autre ingrédient important de l'analyse du signal est la théorie spectrale, dont le but est de simplifier certaines transformations des signaux. La représentation spectrale des signaux est une représentation qui fait intervenir des notions fréquentielles plutôt que des notions temporelles. Pour cela, on doit utiliser l'analyse de Fourier, ou l'une de ses variantes.

Signaux d'énergie finie

Un cas particulier est fourni par les signaux dits signaux d'énergie finie, qui ne sont autres que des fonctions de carré intégrable. La transformation de Fourier fournit donc un cadre naturel pour construire une théorie spectrale.

Transformation de Fourier et propriétés simples


\begin{definition}
Etant donn\'ee une fonction $f$, sa transform\'ee de Fourier ...
... F}f$.
La variable $\omega$\ porte le nom de {\em fr\'equence}.
\end{definition}
On vérifie immédiatement que si $ f\in L^1({\mathbb{R}})$ , $ \hat f$ est bornée. Plus généralement, on a
\begin{theorem}[Riemann-Lebesgue]
Soit $f\in L^1({\mathbb{R}})$. Alors $\hat f$\...
...h}
\lim_{\omega\to\pm\infty}\hat f(\omega) = 0\ .
\end{displaymath}\end{theorem}

Preuve: Nous savons déjà que si $ f\in L^1({\mathbb{R}})$ , alors $ \hat f$ est bornée. Passons à la continuité. La preuve est relativement simple. Commençons par calculer

$\displaystyle \hat f(\omega +\delta) -\hat f(\omega)$ $\displaystyle =$ $\displaystyle \int_{-\infty}^\infty f(t)
\left(e^{-i(\omega +\delta)t}-e^{-i\omega t}\right)dt$  
  $\displaystyle =$ $\displaystyle -2i\int_{-\infty}^\infty f(t) \sin\left(\frac{t\delta}2\right)
e^{-it\delta /2} e^{-i\omega t}dt$  

Le fait que $ f$ soit intégrable implique qu'il existe $ T$ tel que $ \int_{-\infty}^{-T} \vert f(t)\vert dt +
\int_T^{\infty} \vert f(t)\vert dt\le\epsilon/4$ . Nous n'avons donc plus qu'à nous préoccuper de l'intégrale entre $ -T$ et $ T$ . Mais dans cet intervalle, nous savons que $ \vert\sin(t\delta /2)\vert\le \vert t\delta/2\vert\le T\delta/2$ . Donc, nous avons
$\displaystyle \left\vert\hat f(\omega +\delta) -\hat f(\omega)\right\vert$ $\displaystyle \le$ $\displaystyle \frac{\epsilon}2 + \frac{T\delta}2\int_{-T}^T \vert f(t)\vert dt$  
  $\displaystyle \le$ $\displaystyle \frac{\epsilon}2 + \frac{T\delta}2 \vert\vert f\vert\vert _1$  

Il suffit maintenant de choisir $ \delta$ de sorte que $ T\delta \vert\vert f\vert\vert _1\le\epsilon$ , et on obtient bien l'estimation souhaitée ([*]). La première partie du théorème est donc montrée.

Le fait que $ \hat f(\omega)\to 0$ quand $ \omega\to\pm\infty$ résulte de la densité des fonctions constantes par morceaux dans l'espace $ L^1({\mathbb{R}})$ : pour toute fonction $ f\in L^1({\mathbb{R}})$ , il existe une suite de fonctions $ g_n$ , constantes par morceaux, telle que pour tout $ \epsilon$ fixé, on ait $ \vert\vert f-g_n\vert\vert _1\le\epsilon$ pour un $ n$ assez grand. Il suffit donc d'étudier le comportement de la fonction caractéristique d'un intervalle; prenons $ g=\chi_{[a,b]}$ . Alors, on a $ \hat g(\omega) = (e^{-i\omega b}-e^{-i\omega a})
/i\omega\sqrt{2\pi}$ , qui tend bien vers 0 quand $ \vert\omega\vert\to\infty$ . De même, la transformée de Fourier de toute fonction intégrable constante par morceaux tend vers 0 à l'infini. Pour conclure, il suffit de remarquer que pour tout $ \omega$ , on a par hypothèse $ \vert\hat f(\omega)-\hat g_n(\omega)\vert\le \vert\vert f-g_n\vert\vert _1$ . Comme pour tout $ n$ , $ \hat g_n(\omega)\to 0$ quand $ \vert\omega\vert\to\infty$ , et comme $ \vert\vert f-g_n\vert\vert _1$ peut être rendu aussi prôche de 0 que ce que l'on veut, on en déduit que $ \hat f(\omega)\to 0$ quand $ \vert\omega\vert\to\infty$ . $ \spadesuit$

La transformation de Fourier possède des propriétés simples, faciles à vérifier. En supposant que $ f\in L^1({\mathbb{R}})$ pour simplifier (ce qui assure l'existence de $ \hat f(\omega)$ pour tout $ \omega$ , on vérifie facilement les propriétés suivantes:

  1. Comportement vis à vis des translations et des modulations. Considérons maintenant une fonction intégrable $ f\in L^1({\mathbb{R}})$ . On définit la translatée de $ f$ par la quantité $ b\in{\mathbb{R}}$ comme la fonction $ g: t\to g(t) =f(t-b)$ . On a alors, par un simple changement de variables

    $\displaystyle \hat g(\omega) = \int_{-\infty}^\infty f(t-b) e^{-i\omega t}\,dt ...
...nt_{-\infty}^\infty f(t-b) e^{-i\omega (t-b)}dt =e^{i\omega b}\hat f(\omega)\ .$ (3.3)

    On dit que $ \hat g$ est une version modulée de $ \hat f$ . Similairement, si $ h\in L^1({\mathbb{R}})$ , définie par $ h(t) = e^{i\eta t}f(t)$ (où $ \eta\in{\mathbb{R}}^*$ ) est une version modulée de la fonction intégrable $ f$ , alors on a

    $\displaystyle \hat h(\omega) = \int_{-\infty}^\infty f(t) e^{-i(\omega-\eta) t}\,dt = \hat f(\omega -\eta)\ ,$ (3.4)

    de sorte que la transformée de Fourier de $ h$ est une version translatée de $ \hat f$ .
  2. Comportement vis à vis des dilatations. Soit $ f\in L^1({\mathbb{R}})$ , et soit $ \hat f$ sa transformée de Fourier. Si $ a$ est une constante réelle, on considère une fonction $ f_a$ , dilatée de $ f$ du facteur $ a$ , définie par

    $\displaystyle f_a(t) =f\left(\frac{t}a\right)\ .
$

    Alors, on a, par un changement de variable $ u=t/a$ ,

    $\displaystyle \hat f_a(\omega) = \int_{-\infty}^\infty f\left(\frac{t}a\right) ...
...ga t} dt = a\int_{-\infty}^\infty f(u) e^{-ia\omega u} du = a\hat f(a\omega)\ .$ (3.5)

    Ainsi, la transformée de Fourier de la copie dilatée d'une fonction n'est autre qu'une copie dilatée (d'un rapport inverse) de la transformée de Fourier de la fonction originale.

Inversion dans $ L^1({\mathbb{R}})$

Le problème de l'inversion de la transformation de Fourier est un délicat problème. La transformation de Fourier inverse est définie par:

$\displaystyle \check f(t) = \frac1{2\pi}\,\int_{-\infty}^\infty f(\omega) e^{i\omega t}\, d\omega\ .
$

et on note $ \overline{\mathcal F}$ l'opérateur linéaire défini par $ \check f=\overline{{\mathcal F}}f$ . Le problème qui se pose est de donner un sens à $ \check f$ , mais aussi de définir dans quelles conditions et en quel sens $ \overline{\mathcal F}$ est effectivement la transformation inverse de la transformation de Fourier $ {\mathcal F}$ .

Le résultat suivant, appelé formule d'échange, joue un rôle essentiel dans ce qui suit.
\begin{lemma}[Formule d'\'echange]
Soient $f,g\in L^1({\mathbb{R}})$. Alors on a...
...ion}
\int f(t)\hat g(t) dt = \int \hat f(s) g(s) ds\ .
\end{equation}\end{lemma}
Preuve: la preuve est une conséquence immédiate du théorème de Fubini. $ \spadesuit$

Ce résultat permet d'obtenir la première version de la formule d'inversion:
\begin{theorem}
Soit $f\in L^1({\mathbb{R}})$, telle que $\hat f\in L^1({\mathbb...
...y}^\infty \hat f(\omega) e^{i\omega t_0}\,d\omega\ .
\end{equation}\end{theorem}
Preuve: Considérons la famille de fonctions intégrables

$\displaystyle g_n(t) = e^{-\vert t\vert/n}\ .$ (3.6)

Leur transformée de Fourier est donnée par

$\displaystyle \hat g_n(\omega) = \int_{-\infty}^\infty e^{-\vert t\vert/n}e^{-i\omega t}dt = \frac{2n}{1+n^2\omega^2}$ (3.7)

La formule d'échange donne alors

$\displaystyle \int_{-\infty}^\infty \hat f(\omega) g_n(\omega) e^{i\omega t} d\omega = \int_{-\infty}^\infty f(s) \hat g_n(s-t) ds$ (3.8)

Intéressons nous tout d'abord au terme de gauche de cette égalité. Nous savons que $ \lim_{n\to\infty} g_n(t)=1$ pour tout $ t$ , et que par ailleurs, $ \left\vert\hat f(\omega) g_n(\omega)e^{i\omega t}\right\vert
\le \vert\hat f(\omega)\vert$ , qui est borné. Le théorème de convergence dominée de Lebesgue nous assure donc que pour tout $ t$ ,

$\displaystyle \int_{-\infty}^\infty \hat f(\omega) g_n(\omega) e^{i\omega t} d\...
...fty}^\infty \hat f(\omega)e^{i\omega t} d\omega\ \hbox{ quand }\ n\to\infty\ .
$

Passons maintenant au membre de droite, et notons tout d'abord que $ \int\hat g_n(u)du = 2\pi$ . Calculons

$\displaystyle \int_{-\infty}^\infty f(s+t) \hat g_n(s) ds -2\pi f(t) = \int_{-\infty}^\infty \left[f(s+t)-f(t)\right]\hat g_n(s) ds \ .$ (3.9)

Supposons que $ f$ soit continue en $ t=t_0$ . Donc, pour tout $ \epsilon>0$ , il existe un $ \rho >0$ tel que $ s\le\rho$ entraîne $ \vert f(t_0+s)-f(t_0)\vert\le\epsilon$ . En traitant de façon différente les valeurs $ s\le\rho$ et $ s>\rho$ dans le membre de droite de ([*]), nous sommes amenés à considérer

$\displaystyle \left\vert\int_{\vert s\vert\le\rho}\left[f(s+t_0)-f(t_0)\right]\...
...ert
\le \epsilon \int_{\vert s\vert\le\rho} \hat g_n(s) ds\le 2\pi \epsilon\ ,
$

que nous pouvons rendre aussi petit que nous voulons. Quant à l'autre terme, nous avons à considérer

$\displaystyle \left\vert f(t_0)\int_{\vert s\vert>\rho}\vert\hat g_n(s)\vert ds...
...n^2s^2}
=4\left(\frac{\pi}2 - \hbox{arc}\tan(\rho n)\right)\,\vert f(t_0)\vert
$

qui tend vers zéro quand $ n\to\infty$ , et

$\displaystyle \left\vert\int_{\vert s\vert>\rho} f(t_0+s)\hat g_n(s)ds\right\vert
\le \hat g_n(\rho) \vert\vert f\vert\vert _1
$

qui tend lui aussi vers zéro quand $ n\to\infty$ . Ainsi, la limite du membre de droite de ([*]), au point de continuité $ t=t_0$ , n'est autre que $ f(t_0)$ . Ceci achève la preuve du théorème. $ \spadesuit$

Il est possible de montrer des résultats plus généraux. On citera par exemple le résultat suivant, donné sans démonstration.
\begin{theorem}
Soit $f\in L^1({\mathbb{R}})$, telle que $f'\in L^1({\mathbb{R}}...
...ga)e^{i\omega t}\,dt
=\frac1{2} (f(t_+) + f(t_-))\ .
\end{equation}\end{theorem}

Transformation de Fourier et régularité

Nous allons maintenant nous focaliser quelque peu sur les propriétés de régularité des transformées de Fourier des fonctions intégrables. La continuité est réglée par le théorème de Riemann-Lebesgue.

Le cas de la dérivabilité de la transformée de Fourier se traite de façon similaire, et fait apparaitre la relation entre dérivation de $ \hat f$ et multiplication par $ t$ de $ f(t)$ . Supposons que $ f\in L^1({\mathbb{R}})$ , et que de plus la fonction $ t\to tf(t)$ appartienne elle aussi à $ L^1({\mathbb{R}})$ . Comme dans la preuve du théorème de Riemann-Lebesgue, on a

$\displaystyle \hat f(\omega +\delta) -\hat f(\omega)$ $\displaystyle =$ $\displaystyle \int_{-\infty}^\infty f(t)
\left(e^{-i(\omega +\delta)t}-e^{-i\omega t}\right)dt$  
  $\displaystyle =$ $\displaystyle \delta \int_{-\infty}^\infty (-it)f(t) \frac{\sin(t\delta/2)}{t\delta/2}
e^{-it\delta /2} e^{-i\omega t}dt\ .$  

On peut alors diviser les deux membres de cette équation par $ \delta$ , et utiliser des estimations similaires à celles utilisées dans la preuve du théorème de Riemann-Lebesgue, pour montrer que la limite quand $ \delta\to 0$ existe, et est précisément égale à la transformée de Fourier de $ t\to -itf(t)$ . On a donc, sous les hypothèses faites,

$\displaystyle \frac{d\hat f}{d\omega}(\omega) = \int_{-\infty}^\infty (-it)f(t) e^{-i\omega t}\,dt$ (3.10)

ce qui revient à dériver sous le signe somme.

En utilisant ce résultat de façon récursive, on obtient
\begin{proposition}
Soit $f\in L^1({\mathbb{R}})$, telle que les fonction
$t\to ...
..._{-\infty}^\infty (-it)^kf(t) e^{-i\omega t}\,dt
\end{equation}\end{proposition}


On se pose maintenant la question ``duale'', à savoir, ``quelle est la transformée de la dérivée d'une fonction ?'' Nous allons montrer le résultat suivant:
\begin{proposition}
Soit $f\in L^1({\mathbb{R}})$, et supposons que les d\'eriv\...
...f^{(k)}](\omega) = (i\omega)^k \hat f(\omega)\ .
\end{equation}\end{proposition}
Preuve: Pour démontrer ce résultat, considérons une fonction $ f$ satisfaisant aux hypothèses du théorème, et remarquons tout d'abord que comme $ f'$ est supposée intégrable, on a

$\displaystyle \int_t^\infty f'(s) ds \to 0\hbox{ quand }t\to\infty
$

et dont $ \lim_{t\to\infty} f(t)$ existe. $ f$ étant intégrable, cette limite est nécessairement nulle. De même, on a $ \lim_{t\to -\infty} f(t) =0$ . On peut donc intégrer par parties dans l' intégrale qui définit la transformée de Fourier de $ f'$ , et on obtient

$\displaystyle \int_{-\infty}^\infty f'(t)e^{-i\omega t} dt = \left[-i\omega f(t)\right]_{-\infty}^\infty
+ i\omega \int_{-\infty}^\infty f(t)e^{-i\omega t} dt
$

et donc

$\displaystyle ({\mathcal F}f') (\omega) = i\omega \hat f(\omega)$ (3.11)

De façon plus générale, en intégrant par parties autant de fois qu'il le faut, on obtient de même, pour $ k\le n$ ,

$\displaystyle ({\mathcal F}f^{(k)}) (\omega) = (i\omega)^k \hat f(\omega)\ ,$ (3.12)

ce qui est le résultat souhaité. $ \spadesuit$

REMARQUE 3.1   Ce dernier résultat nous donne un critère simple pour vérifier si la transformée de Fourier $ \hat f$ d'une fonction $ f\in L^1({\mathbb{R}})$ est elle même intégrable, et donc de lui appliquer la version ponctuelle de la formule d'inversion. En effet, si on suppose $ f\in C^2({\mathbb{R}})$ , et $ f,f',f''\in L^1({\mathbb{R}})$ , alors il en résulte que $ \hat f$ est bornée, et décroît au moins aussi bien que $ \vert\omega\vert^{-2}$ à l'infini. Dans ce cas, on a donc bien $ \hat f\in L^1({\mathbb{R}})$ .

REMARQUE 3.2   La PROPOSITION [*] fournit un exemple d'un comportement général de la transformation de Fourier: plus une fonction est régulière, plus sa transformée de Fourier est rapidement décroissante. Dans le cas particulier, si toutes les dérivées de $ f$ jusqu'à l'ordre $ m$ sont dans $ L^1({\mathbb{R}})$ (ce qui est une forme de régularité), alors comme $ \widehat{f^{(m)}}$ est bornée (par Riemann-Lebesgue), ceci implique que

$\displaystyle \vert\hat f(\omega)\vert \le \frac{C}{\vert\omega\vert^m}
$

pour une certaine constante positive $ C$ (rappelons que $ \hat f$ est également bornée). Il est possible de démontrer des résultats similaires en supposant d'autres formes de régularité.

La théorie $ L^2({\mathbb{R}})$

L'espace $ L^1({\mathbb{R}})$ ne donne pas un cadre suffisant pour la théorie de Fourier, et le cadre le plus naturel est $ L^2({\mathbb{R}})$ 3.1. Cependant, la définition de la transformation de Fourier dans $ L^2({\mathbb{R}})$ n'est pas facile (pour une fonction $ f\in L^2({\mathbb{R}})$ , $ \hat f(\omega)$ n'est pas nécessairement défini pour tout $ \omega$ ).

Il est nécessaire, pour construire la théorie de Fourier sur $ L^2({\mathbb{R}})$ , d'employer des moyens détournés, à savoir des arguments de densité. Commençons par considérer l'espace des fonctions $ C^\infty$ à support borné

$\displaystyle {\mathcal D}({\mathbb{R}}) = \left\{ f\in C^\infty({\mathbb{R}}),\hbox{ $\hbox{supp}(f)$\ est born\'e } \right\}\ ,$ (3.13)

Il est aussi utile d'introduire la notion de fonction à décroissance rapide.
\begin{definition}[Fonction \\lq a d\'ecroissance rapide]
Soit $f$\ une fonction co...
...n}
\vert f(t)\vert \le \frac{C_k}{\vert t\vert^k}
\end{equation}\end{definition}
Il s'agit donc de fonctions qui décroissent à l'infini plus vite que toutes les puissances. Ceci nous permet d'introduire l'espace de Schwartz $ {\mathcal S}({\mathbb{R}})$ (parfois appelé aussi classe de Schwartz):

$\displaystyle {\mathcal S}({\mathbb{R}}) = \left\{ f\in C^\infty({\mathbb{R}}),...
...{(k)}$\ est \\lq a d\'ecroissance rapide $\forall k\in\mathbb{Z}_+$\ } \right\}\ .$ (3.14)

On a des relations d'inclusion simples

$\displaystyle {\mathcal D}({\mathbb{R}})\subset{\mathcal S}({\mathbb{R}})\subset C^\infty({\mathbb{R}})$ (3.15)

Deux remarques sont importantes à faire. Tout d'abord, il est facile de voir que

$\displaystyle {\mathcal S}({\mathbb{R}})\subset L^2({\mathbb{R}})$ (3.16)

En effet, si $ f\in{\mathcal S}({\mathbb{R}})$ , nous savons qu'il existe une constante $ A$ telle que

$\displaystyle \vert f(t)\vert\le A /(1+t^2)\ .
$

Par conséquent,

$\displaystyle \vert\vert f\vert\vert^2 \le A^2\int_{-\infty}^\infty \frac{dt}{(1+t^2)^2} <\infty\ ,
$

ce qui montre que $ f\in L^2({\mathbb{R}})$ .

Le second point important est contenu dans la proposition suivante:
\begin{proposition}
${\mathcal D}({\mathbb{R}})$\ est dense dans $L^2({\mathbb{R...
...\vert\vert f-f_\epsilon\vert\vert \le\epsilon
\end{displaymath}\end{proposition}
Un corollaire immédiat est que $ {\mathcal S}({\mathbb{R}})$ est lui aussi dense dans $ L^2({\mathbb{R}})$ . C'est sur cette propriété que nous allons nous appuyer pour étendre la transformation de Fourier à $ L^2({\mathbb{R}})$ .

La transformation de Fourier dans l'espace de Schwartz $ {\mathcal S}({\mathbb{R}})$

L'espace de Schwartz $ {\mathcal S}({\mathbb{R}})$ possède une propriété remarquable: la transformée de Fourier d'une fonction appartenant à $ {\mathcal S}({\mathbb{R}})$ est elle aussi une fonction de $ {\mathcal S}({\mathbb{R}})$ . Pour nous en convaincre, commençons par faire les remarques suivantes:

  1. Si $ f\in{\mathcal S}({\mathbb{R}})$ , alors pour tout polynôme $ t\to P(t)$ , la fonction $ Pf: t\to P(t)f(t)$ est elle aussi une fonction de $ {\mathcal S}({\mathbb{R}})$ .
  2. Si $ f\in{\mathcal S}({\mathbb{R}})$ , alors $ f'\in{\mathcal S}({\mathbb{R}})$ , et plus généralement, toutes les dérivées $ f^{(k)}$ de $ f$ sont des fonctions de $ {\mathcal S}({\mathbb{R}})$ .
  3. $ {\mathcal S}({\mathbb{R}})\subset L^1({\mathbb{R}})$ .
On déduit de ces remarques que la transformation de Fourier est bien définie sur $ {\mathcal S}({\mathbb{R}})$ : toute fonction de $ {\mathcal S}({\mathbb{R}})$ possède une transformée de Fourier bornée. De plus, si $ f\in{\mathcal S}({\mathbb{R}})$ , alors pour tout $ k$ , $ t^k f(t)$ est aussi dans $ {\mathcal S}({\mathbb{R}})$ et est ainsi intégrable; donc $ \hat f\in C^k({\mathbb{R}})$ , et ce pour tout $ k$ . Donc $ f\in C^\infty ({\mathbb{R}})$ . Le même raisonnement s'applique à toutes les dérivées de $ f$ : $ f^{(k)}\in{\mathcal S}({\mathbb{R}})$ implique que la fonction $ \omega\to \omega^k\hat f(\omega)$ est bornée, et ce quel que soit $ k$ . Donc nous avons montré que la transformée de Fourier $ \omega\to \hat f(\omega)$ de toute fonction $ f\in{\mathcal S}({\mathbb{R}})$ est elle même une fonction de $ {\mathcal S}({\mathbb{R}})$ .

Inversement, $ \hat f\in{\mathcal S}({\mathbb{R}})\subset L^1({\mathbb{R}})$ , et la discussion précédente s'applique tout aussi bien à $ \hat f$ . Par conséquent, nous avons montré


\begin{theorem}
La transformation de Fourier est une bijection entre ${\mathcal S}({\mathbb{R}})$\ et ${\mathcal S}({\mathbb{R}})$.
\end{theorem}

Soient $ f,g\in{\mathcal S}({\mathbb{R}})$ , et posons $ h(\omega) = \overline{\hat g(\omega)}$ . Alors un calcul simple montre que $ \hat h(t)= 2\pi\,\overline{g(t)}$ . Appliquons la formule d'échange à $ f$ et $ h$ . Ceci nous donne la formule de Plancherel:

$\displaystyle \int_{-\infty}^\infty f(t) \overline{g(t)}dt = \frac1{2\pi}\,\int_{-\infty}^\infty \hat f(\omega) \overline{\hat g(\omega)}d\omega\ ,$ (3.17)

et en particulier dans le cas $ g=f$ :

$\displaystyle \int_{-\infty}^\infty \vert f(t)\vert^2 dt = \frac1{2\pi}\,\int_{-\infty}^\infty \vert\hat f(\omega)\vert^2 d\omega\ ,$ (3.18)

(il découle de la discussion ci-dessus que toutes ces intégrales sont convergentes. Par conséquent, dans ce cas, nous avons aussi $ f\in L^2({\mathbb{R}})$ et $ \hat f\in L^2({\mathbb{R}})$ .) Nous avons donc montré:
\begin{proposition}
La transformation de Fourier, correctement renormalis\'ee, $...
...{\mathcal S}({\mathbb{R}})$\ sur ${\mathcal S}({\mathbb{R}})$.
\end{proposition}

Le passage à $ L^2({\mathbb{R}})$

Le passage au cadre $ L^2({\mathbb{R}})$ se fait en utilisant la densité de $ {\mathcal S}({\mathbb{R}})$ dans $ L^2({\mathbb{R}})$ , et le théorème général d'analyse fonctionnelle suivant:
\begin{theorem}
Soient $E$\ et $F$\ deux espaces m\'etriques, et soit $E'\subset...
... telle que sa restriction \\lq a $E'$\ co\uml \i ncide
avec $\Phi'$).
\end{theorem}
En considérant le cas $ E=F=L^2({\mathbb{R}})$ et $ E'={\mathcal S}({\mathbb{R}})$ , $ \Phi'={\mathcal F}$ (la transformation de Fourier sur $ {\mathcal S}({\mathbb{R}})$ ), et en utilisant les résultats obtenus dans la sous-section précédente, on obtient directement le résultat important suivant:
\begin{theorem}[Transformation de Fourier sur $L^2({\mathbb{R}})$]
La transforma...
...y \hat f(\omega) \overline{\hat g(\omega)}d\omega\ .
\end{equation}\end{theorem}

REMARQUE 3.3   Il est facile de vérifier que la formule d'échange reste valable dans le cadre $ L^2({\mathbb{R}})$ .

Ce dernier résultat, pour important qu'il soit, n'est pas constructif, au sens où la transformation de Fourier dans $ L^2({\mathbb{R}})$ n'y est construite que par un argument de passage à la limite abstrait. Il est complété par la proposition suivante, qui prouve que la transformée de Fourier d'une fonction de $ L^2({\mathbb{R}})$ s'obtient (aux points oú elle est bien définie) via le calcul usuel.
\begin{proposition}
\begin{enumerate}
\item Si $f\in L^1({\mathbb{R}})\cap L^2({...
...int_{-T}^T f(t) e^{-i\omega t} dt
\end{equation}\end{enumerate}\end{proposition}
Preuve: 1) Notons temporairement $ \tilde f$ la transformée de Fourier de $ f$ au sens $ L^2({\mathbb{R}})$ . Etant donnée $ g\in{\mathcal S}({\mathbb{R}})$ , on a d'après la formule d'échange (voir Remarque [*]) $ \int_{-\infty}^\infty g(t)\hat f(t)dt =
\int_{-\infty}^\infty \hat g(t) f(t)dt...
...nt_{-\infty}^\infty \tilde g(t)f(t)dt =
\int_{-\infty}^\infty g(t)\tilde f(t)dt$ . Par conséquent, $ \int_{-\infty}^\infty g(t)(\tilde f(t)-\hat f(t))dt =0$ pour tout $ g\in{\mathcal S}({\mathbb{R}})$ , et donc $ \tilde f=\hat f$ presque partout.

2) Il suffit de remarquer que pour toute fonction $ f\in L^2({\mathbb{R}})$ , on peut écrire

$\displaystyle \lim_{T\to\infty} \Vert f-f\chi_{[-T,T]}\Vert =0\ ,
$

c'est à dire que $ f\in L^2({\mathbb{R}})$ est arbitrairement bien approximée par des fonctions $ f\chi_{[-T,T]}$ , pour $ T$ assez grand. Or ces dernières appartiennent à $ L^1({\mathbb{R}})$ , donc leur transformée de Fourier est bien définie. D'après la formule de Plancherel, on a ainsi $ \lim_{T\to\infty}\Vert\hat f-\widehat{f\chi_{[-T,T]}}\Vert =
\lim_{T\to\infty}\Vert f-f\chi_{[-T,T]}\Vert = 0$ , ce qui conclut la preuve de la proposition. $ \spadesuit$

EXEMPLE 3.2   Considérons la fonction $ f$ définie par

$\displaystyle f(t)=\frac1{t+i}\ .
$

Cette fonction n'est pas intégrable, mais elle appartient à $ L^2({\mathbb{R}})$ . Sa transformée de Fourier est facilement obtenue grâce à la méthode des résidus, et on obtient

$\displaystyle \hat f(\omega) =2i\pi\,e^{-\omega}\,\Theta (\omega)\ ,
$

$ \Theta$ est la fonction de Heaviside. $ \hat f$ est bien de carré intégrable, mais est discontinue.

Inégalités de Heisenberg

Un ingrédient crucial de la théorie $ L^2({\mathbb{R}})$ tient à l'impossibilité de localiser parfaitement une fonction simultanément dans l'espace $ t$ et dans l'espace de Fourier. Ceci est exprimé par les Inégalités de Heisenberg formulées pour la première fois par W. Heisenberg, et prouvées en 1927 par N. Wiener:
\begin{theorem}[Heisenberg-Wiener]
Soit $f\in L^2({\mathbb{R}})$, $f\ne 0$. On p...
...{displaymath}
f(t) = a e^{ib t} e^{-(t-c)^2/d}\ .
\end{displaymath}\end{theorem}
Preuve: On peut sans perte de généralité supposer que les quantités considérées sont finies (sinon l'inégalité est trivialement satisfaite). Dans ces conditions, le fait que $ \int\omega^2 \vert\hat f(\omega)\vert^2d\omega<\infty$ implique que $ f$ est continue et $ f'\in L^2({\mathbb{R}})$ . Supposons tout d'abord que $ \mu_f=\mu_{\hat f}=0$ . Par intégration par parties, on a

$\displaystyle \int_u^v t \frac{d}{dt} \vert f(t)\vert^2 dt= \left[ t\vert f(t)\vert^2\right]_u^v
- \int_u^v \vert f(t)\vert^2 dt\ .
$

Comme $ f,f'\in L^2({\mathbb{R}})$ , de même que la fonction $ t\to tf(t)$ , les intégrales ci-dessus ont une limite lorsque $ u\to-\infty, v\to\infty$ , de même que $ u \vert f(u)\vert^2$ et $ v\vert f(v)\vert^2$ . De plus, ces dernières limites sont nécessairement nulles, sinon on aurait $ f(t)\sim 1/t$ quand $ t\to\pm\infty$ , ce qui est incompatible avec $ f\in L^2({\mathbb{R}})$ .

Donc, en prenant la valeur absolue et en développant la dérivée, on a

$\displaystyle \vert\vert f\vert\vert^2 \le \left\vert\int_{-\infty}^\infty t f(...
...t\vert
+ \left\vert\int_{-\infty}^\infty t f'(t) \overline{f}(t) dt\right\vert
$

En appliquant l'inégalité de Cauchy-Schwarz à ces deux termes, on aboutit à

$\displaystyle \vert\vert f\vert\vert^2 \le 2\sqrt{\int_{-\infty}^\infty t^2\vert f(t)\vert^2dt\ \int_{-\infty}^\infty \vert f'(t)\vert^2 dt}\ .
$

Or, nous savons que la transformée de Fourier de $ f'$ n'est autre que la fonction $ \omega\to i\omega\hat f(\omega)$ . En utilisant la formule de Plancherel, nous obtenons

$\displaystyle \int_{-\infty}^\infty \vert f'(t)\vert^2dt = \frac1{2\pi}\,
\int_...
...mega^2 \vert\hat f(\omega)\vert^2d\omega
= \Vert f\Vert^2 \sigma_{\hat f}^2\ .
$

On a bien le résultat désiré, dans le cas particulier $ \mu_f=\mu_{\hat f}=0$

Pour le cas général, considérons la fonction $ g$ définie par

$\displaystyle g(t) = e^{-i\mu_{\hat f}t}f(t+\mu_f)\ .
$

Un calcul immédiat montre que $ \mu_g=\mu_{\hat g}=0$ , de sorte que l'on peut appliquer à $ g$ le résultat que nous venons de montrer. Or, on a $ \Vert g\Vert=\Vert f\Vert$ ,

$\displaystyle \sigma_g^2 = \frac1{\Vert g\Vert^2}\int_{-\infty}^\infty t^2 \vert f(t+\mu_f)\vert^2 dt=\sigma_f^2\ ,
$

et

$\displaystyle \sigma_{\hat g}^2 = \frac1{\Vert\hat g\Vert^2}\int_{-\infty}^\infty \omega^2
\vert\hat f(t+\mu_{\hat f})\vert^2 d\omega=\sigma_{\hat f}^2\ .
$

Ceci conclut la démonstration. $ \spadesuit$

Ces inégalités nous montrent que l'on ne peut pas espérer trouver de fonction qui soit parfaitement localisée simultanément en temps et en fréquence. Une autre question que l'on peut se poser est une version un peu plus faible: peut on trouver des fonctions à support compact, dont la transformée de Fourier soit elle aussi à support compact ? Le résultat suivant apporte une réponse négative à cette question.
\begin{proposition}[Paley-Wiener]
Soit $f\in L^2({\mathbb{R}})$\ une fonction no...
...pport compact, alors $f$\ ne
peut s'annuler sur un intervalle.
\end{proposition}
Preuve: Il suffit de démontrer la seconde assertion, la première s'en déduit immédiatement. Supposons donc que le support de $ \hat f$ soit inclus dans $ [-b,b]$ , et que pour tout $ t\in [c,d]$ , on ait $ f(t)=0$ . Soit $ a=(c+d)/2$ . On sait que

$\displaystyle f(t) =\frac1{2\pi}\int_{-b}^b \hat f(\omega) e^{i\omega t}\,d\omega\ ,
$

(où l'égalité est ponctuelle: puisque $ f\in L^2({\mathbb{R}})$ , alors $ \hat f\in L^2({\mathbb{R}})$ ; de plus, comme le support de $ \hat f$ est borné, alors $ \hat f\in L^1({\mathbb{R}})$ , ce qui donne une fonction $ f$ continue). Compte tenu des hypothèses faites sur $ f$ dans $ [c,d]$ , on sait que pour tout entier positif ou nul $ p$ , on a

$\displaystyle f^{(p)}(a) = \frac1{2\pi}\int_{-b}^b (i\omega)^p
\hat f(\omega) e^{i\omega t}\,d\omega =0\ .
$

En développant $ \exp\{i\omega(t-a)\}$ en série entière, on a aussi pour tout $ t$

$\displaystyle f(t) = \frac1{2\pi}e^{i\omega a}\sum_{p=0}^\infty \frac{(t-a)^p}{p!}
\int_{-b}^b (i\omega)^p \hat f(\omega) e^{i\omega t}\,d\omega =0\ ,
$

ce qui contredit l'hypothèse $ f\ne 0$ . $ \spadesuit$

Produit de convolution et produit simple

Etant données deux fonctions $ f$ et $ g$ , leur produit de convolution est la fonction définie par

$\displaystyle h(t) = (f * g)(t) = \int_{-\infty}^\infty f(s) g(t-s)\, ds\ ,$ (3.19)

pour tout $ t$ tel que l'intégrale ait un sens. On vérifie immédiatement que si $ f,g\in L^2({\mathbb{R}})$ , $ f*g$ est une fonction bornée. De plus, elle est continue.

Plus généralement, on a les inégalités de Young:
\begin{lemma}
Soient $f\in L^p({\mathbb{R}})$\ et $g\in L^q({\mathbb{R}})$. Alor...
...t \\lq a dire si $1/p + 1/q =1$, alors $f*g$\ est born\'ee et continue.
\end{lemma}

REMARQUE 3.4   On voit en particulier que tous les espaces $ L^p({\mathbb{R}})$ sont stables par convolution avec les fonctions de $ L^1({\mathbb{R}})$ : si $ q=1$ , $ r=p$ . Un cas qui nous intéressera plus particulièrement est le cas $ p=1$ , $ q=r=2$ .

La transformation de Fourier associe de façon étroite le produit de convolution au produit simple. Formellement, on a

$\displaystyle \widehat{fg}$ $\displaystyle =$ $\displaystyle \frac1{2\pi}\,\hat f * \hat g\ ,$ (3.20)
$\displaystyle \widehat{f*g}$ $\displaystyle =$ $\displaystyle \hat f\hat g\ .$ (3.21)

Le problème est de donner un sens à ces égalités. On peut en particulier considérer les situations suivantes:

Autocorrélation

Etant donnée $ f\in L^2({\mathbb{R}})$ , on définit sa fonction d'autocorrélation

$\displaystyle C_f(\tau) = \int_{-\infty}^\infty f(t)\overline{f}(t-\tau)\, dt\ .$ (3.22)

On vérifie immédiatement que

$\displaystyle C_f(\tau) \le \vert\vert f\vert\vert^2 =C_f(0)\ .
$

De plus, $ C_f$ est une fonction continue.

Etant donnée $ f\in L^2({\mathbb{R}})$ , considérons la fonction définie par

$\displaystyle {\mathcal S}_f(\omega) = \vert\hat f(\omega)\vert^2\ .$ (3.23)

Cette fonction est appelée spectre , ou densité spectrale de $ f$ .

Comme $ f\in L^2({\mathbb{R}})$ , $ \hat f\in L^2({\mathbb{R}})$ , et $ {\mathcal S}_f$ est intégrable. Donc, sa transformée de Fourier inverse a un sens, et définit une fonction bornée continue. Ainsi, on a

$\displaystyle C_f(\tau) = \frac1{2\pi} \int_{-\infty}^\infty {\mathcal S}_f(\omega) e^{i\omega\tau}\, d\omega\ .$ (3.24)

C'est le théorème de Wiener-Khintchin (ou théorème de Wold). On a en particulier, pour $ \tau=0$

$\displaystyle C_f(0)=\vert\vert f\vert\vert^2 =\frac1{2\pi}\int_{-\infty}^\infty {\mathcal S}_f(\omega)\,d\omega\ .
$

Le spectre $ {\mathcal S}_f$ possède une interprétation physique importante. La valeur $ {\mathcal S}_f(\omega)$ caractérise le ``contenu'' du signal $ f$ à la fréquence $ \omega$ . L'énergie $ \Vert f\Vert^2$ de $ f$ est la somme des valeurs de la densité spectrale à toutes les fréquences. C'est pourquoi on parle également de spectre d'énergie, ou de densité spectrale d'énergie.

La théorie spectrale de Wiener

La théorie de Wiener a pour but d'étendre la théorie précédente au cas des signaux d'énergie non bornée. Dans ce cas, l'énergie n'étant pas définie, il est nécessaire de raisonner en termes de puissance. La théorie spectrale de Wiener permet d'obtenir une version adaptée à ce nouveau contexte du théorème de Wiener-Khintchin ([*]).

Soit $ f: t\to f(t)$ une fonction, telle que

$\displaystyle C_f(\tau) = \lim_{T\to\infty} \frac1{2T}\int_{-T}^T f(t)\overline{f}(t-\tau)\, dt$ (3.25)

existe et est fini $ \forall\tau\in{\mathbb{R}}$ . $ C_f$ est appelée autocovariance de $ f$ , et

$\displaystyle C_f(0) = \lim_{T\to\infty} \frac1{2T}\int_{-T}^T \vert f(t)\vert^2\, dt$ (3.26)

est la puissance totale de $ f$ .

On considère l'espace de Besicovitch (ou espace des fonctions quasi périodiques)

$\displaystyle {\mathcal B}_0 = \left\{ f:{\mathbb{R}}\to\mathbb{C},\ C_f(\tau) \hbox{ existe et est fini pour tout }\tau\in{\mathbb{R}} \right\}\ .$ (3.27)

L'application $ (\cdot ,\cdot): {\mathcal B}_0\times{\mathcal B}_0\to\mathbb{C}$ définie par

$\displaystyle (f,g) = \lim_{T\to\infty} \frac1{2T}\int_{-T}^T f(t)\overline{g}(t)\, dt$ (3.28)

munit $ {\mathcal B}_0$ d'un produit scalaire indéfini, c'est à dire vérifie les quatre premières propriétés de la définition [*].

REMARQUE 3.5   En particulier, toutes les fonctions de carré intégrable $ f\in L^2({\mathbb{R}})$ sont telles que $ (f,f)=0$ .

Cependant, les propriétés essentielles sont préservées. En particulier, l'inégalité de Cauchy-Schwarz est préservée: si $ f,g\in{\mathcal B}_0$ , on a

$\displaystyle \frac1{2T}\int_{-T}^T f(t)\overline{g}(t)\,dt\le
\left[\frac1{2T}...
...ight]^{1/2}
\left[\frac1{2T}\int_{-T}^T \vert g(t)\vert^2\, dt\right]^{1/2}\ ,
$

d'où on déduit, par passage à la limite

$\displaystyle (f,g) \le \vert\vert f\vert\vert _{{\mathcal B}_0}\,\vert\vert g\vert\vert _{{\mathcal B}_0}\ ,$ (3.29)

où on a posé, pour $ f\in{\mathcal B}_0$ ,

$\displaystyle \vert\vert f\vert\vert _{{\mathcal B}_0} = \sqrt{(f,f)}\ .$ (3.30)

On en déduit en particulier

$\displaystyle C_f(\tau)\le C_f(0)=\vert\vert f\vert\vert _{{\mathcal B}_0}^2\ .$ (3.31)

REMARQUE 3.6   Les fonctions $ t\to e^{i\lambda t}$ , où $ \lambda\in{\mathbb{R}}$ , appartiennent à $ {\mathcal B}_0$ . Elles forment même un système orthonormé dans $ {\mathcal B}_0$ .

La fonction d'autocovariance possède la propriété fondamentale suivante
\begin{lemma}
Soit $f\in{\mathcal B}_0$. Sa fonction d'autocovariance $C_f$\ est...
... \alpha_m\overline{\alpha_n}\, C_f(t_m-t_n)\ge 0\ .
\end{displaymath}\end{lemma}
Preuve: il suffit d'écrire

$\displaystyle \sum_{m,n=1}^N \alpha_m\overline{\alpha_n}\, C_f(t_m-t_n)$ $\displaystyle =$ $\displaystyle \lim_{T\to\infty} \frac1{2T}\int_{-T}^T\sum_{m,n=1}^N
\alpha_m\overline{\alpha_n} f(s)\overline{f}(s-t_m+t_n)\ ds$  
  $\displaystyle =$ $\displaystyle \lim_{T\to\infty} \frac1{2T}\int_{-T}^T\left\vert\sum_{n=1}^N
\alpha_n f(s-t_n)\right\vert^2\, ds\ ,$  

et le résultat en découle. $ \spadesuit$

On est alors en position d'utiliser le résultat classique suivant
\begin{theorem}[Bochner]
Soit $F$\ une fonction d\'efinie non-n\'egative,
contin...
...\int_{-\infty}^\infty e^{i\omega t} d\nu (\omega)\ .
\end{equation}\end{theorem}
Considérons une décomposition de Lebesgue de la mesure $ \nu$ :

$\displaystyle \nu = \nu_c + \nu_s\ ,$ (3.32)

$ \nu_c$ est absolument continue par rapport à la mesure de Lebesgue, et $ \nu_s$ est singulière. Considérons tout d'abord des cas séparés: Ainsi, dans le cas des signaux de puissance finie (et non plus d'énergie finie), on peut encore obtenir une représentation spectrale, et introduire une notion de densité spectrale adaptée. Cette théorie est à la base de la théorie spectrale de Wiener pour les signaux aléatoires.

Filtrage linéaire (signaux d'énergie finie)

Le filtrage est généralement considéré comme l'opération de base du traitement du signal. Le filtrage (linéaire) est utilisé pour résoudre de nombreux problèmes, allant de la modification de signaux (pour le codage par modulation d'amplitude ou de fréquence) à l'identification de paramètres en passant par le débruitage.

On se limitera ici au problème du filtrage linéaire. Comme on va le voir, un filtre linéaire est souvent un opérateur de convolution. C'est en particulier le cas des filtres analogiques qui peuvent être implémentés par des circuits électriques. Cependant ça n'est pas le cas le plus général, et on verra des contre-exemples simples. On se posera alors le problème classique de synthèse de filtres: étant donné un filtre $ T$ , comment l'approximer par un filtre réalisable par un circuit électronique.

Terminologie

Les traiteurs de signaux utilisent volontiers une terminologie quelque peu différente de la terminologie mathématique classique. En particulier: Cette dernière contrainte signifie que le filtre $ K: f\to Kf$ est tel que si on définit $ g$ par $ g(t) = f(t-\tau)$ , on a $ Kg(t) = Kf(t-\tau)$ .

Filtres linéaires


\begin{definition}
Un filtre lin\'eaire est un op\'erateur $T: L^2({\mathbb{R}})...
...on a
\begin{displaymath}
Tg(t) = Tf(t-\tau)\ .
\end{displaymath}\end{definition}
Les exemples les plus simples de filtres linéaires sont les opérateurs de convolution. Soit $ g\in L^1({\mathbb{R}})$ , et soit $ K_g$ l'opérateur défini par

$\displaystyle K_gf(t) = \int_{-\infty}^\infty g(s) f(t-s)\, ds\ .$ (3.34)

Il est immédiat que $ K_g$ est borné, et que c'est un filtre linéaire. On a aussi

$\displaystyle \widehat{K_g f}(\omega) = \hat f(\omega)\hat g(\omega)\ ,
$

de sorte qu'un filtrage de convolution se ramène à un produit simple dans l'espace de Fourier. Plus généralement, on a le résultat suivant, que nous donnons sans démonstration:
\begin{theorem}
Soit $T$\ un filtre lin\'eaire. Alors il existe une fonction
$m\...
...equation}$m$\ est appel\'ee {\em fonction de transfert} du filtre.
\end{theorem}

REMARQUE 3.7   Il est immédiat que l'on a $ \widehat{Tf}=m\hat f$ , et donc, en introduisant le spectre d'énergie,

$\displaystyle {\mathcal S}_{Tf}(\omega) = \vert m(\omega)\vert^2 {\mathcal S}_f(\omega)\ .$ (3.35)

On dit que le filtrage modifie le contenu fréquentiel du signal. Par exemple, si $ m(\omega)\to 0$ quand $ \omega\to\infty$ , la décroissance à l'infini de $ \widehat{Tf}$ est plus rapide que celle de $ \hat f$ , et l'on s'attend donc à ce que $ Tf$ soit une fonction plus ``régulière'' que $ f$ . Nous verrons des conséquences importantes de cette remarque plus loin.

On considère souvent des filtres linéaires de la forme $ K_h$ , où $ h\in L^1_{loc}({\mathbb{R}})$ .
\begin{definition}
\begin{enumerate}
\item Le filtre $K_h$\ est dit {\em stable}...
...t d\'efinie) co\uml \i ncide avec la
fonction de transfert $m$.
\end{definition}
La contrainte de causalité est importante quand il s'agit de donner une implémentation ``physique'' du filtre (par un circuit électrique par exemple). En effet, si $ h(t)\ne 0$ sur un ensemble de mesure non-nulle de $ {\mathbb{R}}^-$ , le calcul de $ K_hf(t)$ pour un temps $ t$ donné

$\displaystyle K_hf(t) = \int_{-\infty}^\infty h(s) f(t-s)\,ds
$

utilise des valeurs $ f(t-s)$ antérieures à $ t$ , ce qui est irréalisable.

Exemples

Filtres idéaux

  1. Le filtre passe-bas idéal: étant donnée une fréquence $ \omega_0$ (appelée fréquence de coupure), le filtre passe-bas idéal est défini par

    $\displaystyle m(\omega) =\chi_{[-\omega_0,\omega_0]}(\omega)\ .
$

    Il est immédiat de montrer que la réponse impulsionnelle $ t\to h(t)$ du filtre est de la forme

    $\displaystyle h(t) = \frac{\omega_0}{\pi}\,\frac{\sin(\omega_0 t)}{\omega_0 t} \ .
$

    Donc, $ h\not\in L^1({\mathbb{R}})$ , et le filtre n'est pas stable. Il n'est pas réalisable non plus de façon évidente.
  2. Le filtre passe-haut idéal: étant donnée une fréquence de coupure $ \omega_0$ , le filtre passe-haut idéal est défini par

    $\displaystyle m(\omega) = 1 - \chi_{[-\omega_0,\omega_0]}(\omega)\ .
$

    On vérifie immédiatement qu'il n'est ni stable ni réalisable.
  3. On définit également des filtres passe-bande (définis par $ m(\omega) =\chi_{[a,b]}(\omega)$ ) et des filtres coupe-bande (définis par $ m(\omega) =1-\chi_{[a,b]}(\omega)$ ), qui ne sont eux aussi ni stables ni réalisables.

Circuits analogiques

Une façon simple de construire des filtres réalisables est d'utiliser des circuits électriques. Par exemple, un circuit du type de celui de la Fig. [*].

Figure: Le filtre $ RC$
En notant $ v(t) = Q(t)/C$ la tension aux bornes du condensateur, la loi d'Ohm s'écrit

$\displaystyle R i(t) + v(t) = u(t)\ ,$ (3.36)

ce qui entraîne, puisque $ i(t) = Q'(t) = C v'(t)$ , que la tension $ v(t)$ satisfait à l'équation différentielle ordinaire

$\displaystyle RC\,v'(t) + v(t) = u(t)\ .$ (3.37)

Pour résoudre cette dernière, il est utile d'introduire la fonction $ w(t) = v(t) e^{t/RC}$ . On a donc

$\displaystyle w'(t) = \frac1{RC} e^{t/RC}u(t)$ (3.38)

et la solution est

$\displaystyle w(t) = \frac1{RC}\int_{-\infty}^t e^{s/RC}u(s)ds\ ,$ (3.39)

soit
$\displaystyle v(t)$ $\displaystyle =$ $\displaystyle \frac1{RC}\int_{-\infty}^t e^{-(t-s)/RC}u(s)ds$ (3.40)
  $\displaystyle =$ $\displaystyle \int_{-\infty}^\infty h(t-s)u(s)ds\ .$ (3.41)

où nous avons posé

$\displaystyle h(t) = \Theta(t)\,\frac1{RC}\, e^{-t/RC}
$

$ \Theta(t)$ étant la fonction d'Heaviside, qui vaut 1 pour $ t\ge 0$ et 0 pour $ t<0$ . Nous sommes bien en présence d'un filtre réalisable et stable.


Plus généralement, on peut à partir de circuits analogiques obtenir des systèmes linéaires dont l'entrée $ u(t)$ et la sortie $ v(t)$ sont liés par une équation différentielle du type

$\displaystyle a_N v^{(N)} + a_{N-1} v^{(N-1)} + \dots + a_0 v =b_M u^{(M)} + b_{M-1} u^{(M-1)} + \dots + b_0 u\ ,$ (3.42)

complétée par des conditions initiales adéquates. Un calcul immédiat montre que la fonction de transfert correspondante $ m(\omega)$ est donnée par

$\displaystyle m(\omega) = \frac{a_N (i\omega)^N + \dots + a_0}{b_M (i\omega)^M +\dots + b_0} =\frac{N(i\omega)}{D(i\omega)}$ (3.43)

Pour que la fonction de transfert soit bornée, on a nécessairement $ M\ge N$ . Il faut également que le dénominateur soit borné inférieurement (en module) par une constante strictement positive. Comme on le voit, la variable $ z=i\omega$ s'introduit naturellement3.2.

Le résultat suivant donne une première caractérisation de la structure des filtres réalisables que l'on peut espérer obtenir à base de circuits analogiques.
\begin{proposition}
% latex2html id marker 6077Le filtre d\'efini par la fonct...
... si les racines de $D(z)$\ ont une
partie r\'eelle n\'egative.
\end{proposition}
Preuve: Notons $ \alpha_k$ les racines (complexes) de $ D(z)$ , et soit $ m_k$ leur multiplicité:

$\displaystyle D(z) = C \prod_k (z-\alpha_k)^{m_k}\ .
$

En décomposant $ m(\omega)$ en éléments simples, on aboutit à une forme

$\displaystyle m(\omega) = C' + \sum_k \sum_{\ell=1}^{m_k}
\frac{P_\ell(i\omega)}{(i\omega -\alpha_k)^\ell}\ ,
$

$ P_\ell$ est un polynôme de degré inférieur à $ \ell$ . $ C'$ est une constante, qui correspond à un multiple de l'identité. On supposera dans la suite que $ C'=0$ (ce qui est le cas dès que $ M>N$ ).

Soit $ \rho(t) = \Theta(t) e^{\alpha t}$ , où $ \Re(\alpha)<0$ . Un calcul immédiat donne $ \hat\rho(\omega) = 1/(i\omega -\alpha)$ . Plus généralement, si

$\displaystyle \rho_\ell(t) = t^{\ell-1} e^{\alpha t}\Theta(t)\ ,
$

on a

$\displaystyle \hat\rho_\ell(\omega) = \frac{(\ell -1)!}{(i\omega-\alpha)^\ell}\ .
$

Donc, la transformée de Fourier inverse de $ P_\ell(i\omega)/(i\omega-\alpha)^\ell$ est

$\displaystyle P_\ell\left(\frac{d}{dt}\right) \frac{t^{\ell -1} e^{\alpha t}}{(\ell-1)!}
\,\Theta(t)\ .
$

Par conséquent, si $ \Re(\alpha_k) >0$ pour tout $ k$ , la réponse impulsionnelle du filtre est de la forme

$\displaystyle h(t) = \Theta(t)\ \sum_k Q_k(t) e^{\alpha_k t}\ ,
$

où les $ Q_k$ sont des polynômes. Il s'agit bien de filtres stables et réalisables.

Inversement, supposons que pour une certaine racine $ \alpha$ de $ D(z)$ , on ait $ \Re(\alpha)>0$ . Un calcul similaire au précédent montre que la transformée de Fourier inverse de $ P_\ell(i\omega)/(i\omega-\alpha)^\ell$ est proportionnelle à $ \Theta(-t)$ , ce qui est incompatible avec la causalité. Ceci achève la preuve de la proposition. $ \spadesuit$

Synthèse de filtres

On s'intéresse souvent au problème de construire des filtres à partir d'une réponse attendue sur le spectre du signal. Plus précisément, on recherche à construire un filtre de fonction de transfert $ m(\omega)$ telle que $ \vert m(\omega)\vert^2= M(\omega)$ , où $ M$ est une fonction donnée, paire à valeurs réelles positives.


\begin{lemma}
Soit $P$\ un polyn\^ome \\lq a coefficients r\'eels, pair et
non n\'e...
...\omega\to Q(i\omega)$\ tel
que $P(\omega)= \vert Q(i\omega)\vert^2$.
\end{lemma}
Preuve: Soit $ \gamma\in\mathbb{C}$ une racine de $ P$ . D'après la parité de $ P$ , $ -\gamma$ est également racine de $ P$ . Si $ \gamma$ est complexe, $ \overline{\gamma}$ et $ -\overline{\gamma}$ sont également racines. Si $ \gamma\not\in{\mathbb{R}}$ et $ \gamma\not\in i{\mathbb{R}}$ , $ P(\omega)$ contient nécessairement un terme de la forme

$\displaystyle (\omega-\gamma)(\omega-\overline{\gamma})
(\omega+\gamma)(\omega+\overline{\gamma})$ $\displaystyle =$ $\displaystyle (i\omega-\alpha)(i\omega-\overline{\alpha})
(i\omega+\alpha)(i\omega+\overline{\alpha})$  
  $\displaystyle =$ $\displaystyle \left\vert(i\omega-\alpha)(i\omega-\overline{\alpha})\right\vert^2$  
  $\displaystyle =$ $\displaystyle \left\vert(i\omega+\alpha)(i\omega+\overline{\alpha})\right\vert^2\ ,$  

avec $ \alpha=i\gamma$ . Ce terme a bien la forme annoncée.

Si $ \gamma\in{\mathbb{R}}$ , alors $ \gamma$ est nécessairement de multiplicité paire: en effet, $ P(\omega)$ contient obligatoirement un terme en $ (\omega^2-\gamma^2)^\mu$ , $ \mu$ étant la multiplicité de $ \gamma$ , et pour que $ P$ soit positif $ \mu$ doit nécessairement être pair. Donc

$\displaystyle (\omega^2-\gamma^2)^\mu = \left\vert(\omega^2-\gamma^2)^{\mu'}\ri...
...2 =
\left\vert (i\omega -\alpha)^{\mu'}(i\omega+\alpha)^{\mu'}\right\vert^2\ ,
$

avec $ \mu'=\mu/2\in\mathbb{Z}^+$ et toujours $ \alpha=i\gamma$ , est lui aussi de la forme annoncée.

Si $ \gamma\in i{\mathbb{R}}$ , $ P(\omega)$ contient nécessairement un terme en $ (\omega^2-\gamma^2)^\mu$ , qui est toujours positif, et de la forme

$\displaystyle (\omega^2-\gamma^2)^\mu = \left\vert (i\omega-\alpha)^\mu\right\vert^2\ .
$

Il suffit alors d'utiliser la factorisation de $ P$ pour obtenir le résultat. $ \spadesuit$

REMARQUE 3.8   Si nécessaire, il est possible de construire le polynôme $ \omega\to Q(i\omega)$ en n'utilisant que les racines $ \alpha$ de partie réelle négative, et les racines imaginaires pures avec la moitié de leur multiplicité.

On peut maintenant passer au cas des filtres rationnels. Soit donc $ M$ une fonction rationnelle de $ \omega$ , de la forme

$\displaystyle M(\omega) = \frac{N(\omega)}{D(\omega)}\ .
$

On peut alors appliquer le traitement précédent à $ N(\omega)$ et $ D(\omega)$ , et on obtient:
\begin{proposition}
Soit $M: \omega\to M(\omega) = N(\omega)/D(\omega)$\ une
fra...
...fert est $\omega\to n(i\omega)/d(i\omega)$\ soit
r\'ealisable.
\end{proposition}
Preuve: It suffit d'utiliser le lemme précédent. Le dénominateur nécessite un traitement particulier, afin d'assurer la causalité du filtre. Cependant, la REMARQUE [*] montre qu'il est possible de se limiter dans ce cas à des racines de partie réelle négative (le fait que la fraction rationnelle considérée soit bornée implique que le dénominateur n'a aucune racine imaginaire pure). $ \spadesuit$

Figure: Fonctions de transfert des filtres de Butterworth (à gauche) et Chebyshev (à droite) d'ordres 5 (trait plein), 10 (tirets) et 20 (tirets et pointgillés).
Image butterworth Image chebyshev

EXEMPLE 3.3   Les deux familles classiques d'exemples de filtres rationnels approchant des filtres idéaux sont fournies par les filtres de Butterworth et les filtres de Chebyshev. On se limite ici au cas des filtres passe-bas.

Les filtres de Butterworth sont les plus simples, et sont donnés par une fonction de transfert de la forme

$\displaystyle M_n^B(\omega) = \frac1{1 + \left(\frac{\omega}{\omega_c}\right)^{2n}}$ (3.44)

$ M_n^B(\omega)$ approche la fonction de transfert (en module carré) d'un filtre passe-bas idéal, de fréquence de coupure $ \omega_c$ . Les pôles correspondants sont égaux aux racines $ 2n$ -ièmes de $ -1$ , multipliées par $ \omega_c$ . L'avantage des filtres de Butterworth est que la fonction $ M_n^B(\omega)$ est ``plate'' en $ \omega\approx 0$ . Plus précisément, elle se comporte comme $ M_n^B(\omega)\sim 1 +\omega^{2n}$ pour $ \omega\approx 0$ .

Une alternative est fournie par les filtres de Chebyshev, définis à partir des polynômes de Chebyshev

$\displaystyle T_n(\omega) = \cos (n\arccos\omega )\ ,
$

par

$\displaystyle M_n^C(\omega) = \frac1{1+\epsilon\, T_{2n}\!\left(\frac{\omega}{\omega_c}\right)}\ .$ (3.45)

Le paramètre $ \omega_c$ contrôle la largeur du filtre. Les filtres de Chebyshev présentent quant à eux l'avantage d'être mieux localisés (plus ``étroits''), mais ceci se fait au prix d'oscillations apparaissant pour $ \omega\approx 0$ . L'amplitude des oscillations est gouvernée par le paramètre $ \epsilon$ .

Filtrage adapté

On se pose maintenant le problème ``pratique'' suivant. Comment construire un système linéaire $ T$ (plus précisément, un filtre linéaire) dont la réponse $ Tf(t_0)$ en $ t=t_0$ soit maximale quand une entrée donnée $ f$ lui est présentée ? Le cadre naturel pour ce problème est le cadre des signaux aléatoires. Cependant, on peut développer une première approche dans le cadre déterministe (l'aléatoire étant généralement invoqué pour traiter les bruits de mesure).

Le filtre adapté, version déterministe

Plus précisément, soit $ f\in L^2({\mathbb{R}})$ , et soit $ T$ un filtre linéaire. On sait donc que

$\displaystyle Tf(t) = \frac1{2\pi}\int \hat f(\omega) m(\omega) e^{i\omega t}\,d\omega
$

pour une certaine fonction $ m\in L^\infty({\mathbb{R}})$ . Pour s'affranchir de la normalisation de $ m$ , il faut introduire une contrainte. On cherche à résoudre le problème

$\displaystyle \sup_{m\in L^2({\mathbb{R}})} \vert Tf(t_0)\vert\quad\hbox{ avec la contrainte } \int_{-\infty}^\infty \vert m(\omega)\vert^2 d\omega =2\pi \ .$ (3.46)

Plus généralement, soit $ R$ une fonction réelle telle que $ \hat f/\sqrt{R}\in L^2({\mathbb{R}})$ et $ \hat f/R\in L^\infty({\mathbb{R}})$ . Ces conditions sont vérifiées dès que $ f\in L^1({\mathbb{R}})\cap L^2({\mathbb{R}})$ et qu'il existe deux constantes positives $ C_1$ et $ C_2$ telles que pour tout $ \omega$ , $ 0<C_1\le R(\omega)\le C_2<\infty$ , mais ceci n'est pas une condition nécessaire. On s'intéresse alors au problème

$\displaystyle \sup_{m\in L^2({\mathbb{R}})} \vert Tf(t_0)\vert\quad\hbox{ avec ...
...ainte } \int_{-\infty}^\infty R(\omega)\vert m(\omega)\vert^2 d\omega =2\pi \ .$ (3.47)

REMARQUE 3.9   On suppose implicitement que $ m\in L^2({\mathbb{R}})$ , ce qui permet d'assurer que $ Tu$ est bornée pour tout $ u\in L^2({\mathbb{R}})$ .

Dans un cas comme dans l'autre, la réponse est contenue dans l'inégalité de Cauchy-Schwarz: il suffit d'écrire
$\displaystyle \vert Tf(t_0)\vert$ $\displaystyle =$ $\displaystyle \left\vert\frac1{2\pi} \int_{-\infty}^\infty
\frac{\hat f(\omega)}{\sqrt{R(\omega)}}
\sqrt{R(\omega)} m(\omega)e^{i\omega t_0}\,d\omega\right\vert$  
  $\displaystyle \le$ $\displaystyle \frac1{2\pi}\,\sqrt{\int_{-\infty}^\infty \frac{\vert\hat f(\omeg...
...\omega}\,
\sqrt{\int_{-\infty}^\infty R(\omega)\vert m(\omega)\vert^2\,d\omega}$  
  $\displaystyle \le$ $\displaystyle \frac1{\sqrt{2\pi}}\,
\sqrt{\int_{-\infty}^\infty \frac{\vert\hat f(\omega)\vert^2}{R(\omega)}\,d\omega}\ .$  

D'autre part, l'égalité est atteinte si et seulement si

$\displaystyle \sqrt{R(\omega)} m(\omega) = C e^{-i\omega t_0}
\frac{\overline{\hat f}(\omega)}{\sqrt{R(\omega)}}\ ,
$

pour une certaine constante $ C$ . En tenant compte de la normalisation, on aboutit ainsi à la solution suivante

$\displaystyle m(\omega) = \frac{\sqrt{2\pi}}{\vert\vert\hat f/\sqrt{R}\vert\vert} \frac{\overline{\hat f}(\omega)e^{-i\omega t_0}}{R(\omega)} \ .$ (3.48)

Les hypothèses faites assurent que $ m\in L^\infty({\mathbb{R}})$ , et on a ainsi

$\displaystyle Tf(t) = \frac1{\sqrt{2\pi} \vert\vert\hat f/\sqrt{R}\vert\vert}\,...
...\infty \frac{\vert\hat f(\omega)\vert^2}{R(\omega)}\, e^{i\omega(t-t_0)}\,dt\ .$ (3.49)

l'opérateur $ T$ ainsi défini est un filtre, et on a pour tout $ t$ ,

$\displaystyle \vert Tf(t)\vert\le Tf(t_0) = \frac1{\sqrt{2\pi}}\,\vert\vert\hat f/\sqrt{R}\vert\vert\ .$ (3.50)

Notons que dans le cas particulier $ R=1$ , on a $ m(\omega) = \overline{\hat f}(\omega) e^{-i\omega t_0}/\Vert f\Vert=\hat h(\omega)$ , avec $ h(t) = \overline{f}(t-t_0)/\Vert f\Vert$ .

On a donc montré
\begin{proposition}
% latex2html id marker 6206Soit $f\in L^2({\mathbb{R}})$, ...
...n}
\vert Tf(t)\vert\le Tf(t_0)\ .
\end{equation}\end{enumerate}\end{proposition}

REMARQUE 3.10   Notons que si $ m\in L^2({\mathbb{R}})$ , c'est à dire si $ \hat f/R\in L^2({\mathbb{R}})$ , le filtre adapté $ T$ est continu de $ L^2({\mathbb{R}})$ sur $ L^\infty({\mathbb{R}})$ , ce qui est une propriété importante d'un point de vue pratique.

Application à la détection

Ce résultat a des conséquences pratiques importantes. Considérons le problème de détection suivant: supposons connu un signal de référence $ f_0$ , et supposons que l'on dispose d'observations de la forme

$\displaystyle f(t) = A f_0(t-\tau) + b(t)\ ,
$

$ A$ et $ \tau$ sont deux paramètres inconnus, $ b\in L^2({\mathbb{R}})$ représente un bruit de mesure dont seul le spectre d'énergie $ {\mathcal S}_b(\omega)=\vert\hat b(\omega)\vert^2$ est connu. Le problème de détection optimale consiste à déterminer les valeurs des paramètres $ A$ et $ \tau$ à partir de l'observation.

Considérons tout d'abord le cas $ b=0$ . On commence alors par construire un système linéaire $ T$ tel que $ Tf_0(0)$ soit le plus grand possible. La solution nous est donnée par la théorie ci-dessus: $ T=K_h$ , où $ h$ est définie par $ h(t)=C\overline{f}(-t)$ . On sait de plus que pour tout $ t$ , $ \vert Tf_0(t)\vert\le Tf_0(0)$ . Alors, compte tenu du fait que le filtre $ T$ est linéaire et commute avec les translations, on sait que

$\displaystyle Tf(t) = A Tf_0(t-\tau)
$

et $ Tf$ sera donc maximal en $ t-\tau=0$ , donc en $ t=\tau$ . Ceci permet la mesure du temps inconnu $ \tau$ :

$\displaystyle \tau = \arg\sup_t \vert Tf(t)\vert\ .$ (3.51)

Quant à la mesure de la constante $ A$ , elle s'effectue, une fois $ \tau$ déterminé, via

$\displaystyle A = \frac{T f(\tau)}{\vert\vert f_0\vert\vert^2}\ .$ (3.52)

Un exemple de détection utilisant le filtre adapté est montré en FIG. [*].

REMARQUE 3.11   Notons que dans ce cas, la recherche de $ \tau$ peut aussi se comprendre de la façon suivante:

$\displaystyle Tf(t) =\frac1{2\pi} \int_{-\infty}^\infty \hat f(\omega)
\overlin...
...mega) e^{i\omega t}\,dt
= \int_{-\infty}^\infty f(s)\overline{f_0}(s-t)\,ds\ ,
$

c'est à dire par une série de ``comparaisons'' (via le produit scalaire de $ L^2({\mathbb{R}})$ ) du signal $ f$ avec des copies translatées $ f_0(\cdot -t)$ du signal de référence.

Figure: Exemple de filtrage adapté: Le signal de référence $ f_0$ (à gauche) a été décalé, et plongé dans un bruit blanc (signal bruité au centre); la sortie du filtre adapté (à droite) montre un maximum clairement marqué, qui donne une estimation du décalage.
Image ref Image sig Image mfilt

Considérons maintenant le cas $ b\ne 0$ . On cherche toujours à construire un système qui fournisse une réponse maximale en $ t=\tau$ , mais il faut maintenant tenir compte de la perturbation apportée par le bruit. En effet, rien ne sert de construire un système qui ``amplifierait'' le signal en $ t=\tau$ si celui-ci amplifie également le bruit. Ceci conduit à normaliser la réponse du système au bruit, de la façon suivante: étant donné un filtre quelconque $ T$ , on a alors

$\displaystyle Tf(t)$ $\displaystyle =$ $\displaystyle \frac{A}{2\pi}\,\int_{-\infty}^\infty
\hat f_0(\omega)m(\omega) e...
...rac1{2\pi}\,\int_{-\infty}^\infty \hat b(\omega)m(\omega)e^{i\omega t}\,d\omega$  
  $\displaystyle =$ $\displaystyle S(t) + B(t)\ .$  

On dit que $ S$ est le signal en sortie du filtre, et $ B$ est le bruit en sortie du filtre. On impose alors $ \vert\vert B\vert\vert=1$ , c'est à dire, compte tenu de la formule de Plancherel

$\displaystyle \Vert m\hat b\Vert^2 = \Vert\hat B\Vert^2 = 2\pi\ .
$

On est alors confronté à un problème de type ([*]), dans le cas $ R={\mathcal S}_b$ . La solution est connue, et le filtre adapté est donné par la formule suivante: pour tout $ g\in L^2({\mathbb{R}})$ ,

$\displaystyle Tg(t) =\frac1{\sqrt{2\pi}\Vert\hat f_0/\hat b\Vert}\, \int_{-\inf...
...line{\hat f_0}(\omega)}{\vert\hat b(\omega)\vert^2} \,e^{i\omega t}\,d\omega\ .$ (3.53)

De là, on obtient

$\displaystyle S(t) = \frac{A}{\sqrt{2\pi}\Vert\hat f_0/\hat b\Vert}\,
\int_{-\i...
...\omega)\vert^2}{\vert\hat b(\omega)\vert^2}
\,e^{i\omega (t-\tau)}\,d\omega\ ,
$

et la valeur maximale de $ S$ est

$\displaystyle \vert S_{max}\vert = S(\tau) = \frac{A}{\sqrt{2\pi}}\,\Vert\hat f_0/\hat b\Vert\ .
$

Ce résultat permet donc a priori de déterminer $ \tau$ . Une fois que $ \tau$ a été déterminé, on peut alors en déduire la constante $ A$ .

REMARQUE 3.12   Pour que cette approche ait un sens, c'est à dire pour retomber dans le cadre décrit dans la section précédente, il faut bien entendu faire des hypothèses sur $ f_0$ et $ b$ . Il faut en particulier supposer $ \hat f_0/\sqrt{{\mathcal S}_b}\in L^2({\mathbb{R}})$ et $ \hat f_0/{\mathcal S}_b\in L^\infty({\mathbb{R}})$ .

Fonction d'ambigüité radar

Le problème de la détection radar est encore plus complexe. En effet, dans le cas du radar, le signal à détecter (généralement un signal émis, qui a été réfléchi par une ``cible'' en mouvement) est non seulement décalé dans le temps (d'une quantité proportionnelle à la distance de la cible), mais aussi modulé, c'est à dire décalé en fréquence par effet Doppler, d'une quantité proportionnelle à la vitesse relative de la cible (tout au moins lorsque celle-ci est faible):

$\displaystyle f(t) = A f_0(t-\tau)e^{i\xi t}\ .
$

On peut également développer une théorie du filtrage optimal adaptée à cette situation. Sans entrer dans les détails, considérons la fonction (appelée fonction d'ambigüité) de deux variables suivante

$\displaystyle {\mathcal A}_f(b,\omega) = \int_{-\infty}^\infty f(t) \overline{f_0}(t-b) e^{-i\omega t}\,dt\ .$ (3.54)

Il est clair que d'après l'inégalité de Cauchy-Schwarz, on a

$\displaystyle \vert{\mathcal A}_f(b,\omega)\vert\le {\mathcal A}_f(\tau,\xi) = A\, \Vert f_0\Vert^2\ .
$

Par conséquent, calculer numériquement la fonction d'ambigüité radar d'un signal observé $ f$ et en rechercher les maxima fournit un moyen d'estimer les paramètres inconnus $ \tau$ et $ \xi$ .

Signaux numériques, Echantillonnage

Position du problème

Les signaux numériques sont par définition des suites de nombres, de longueur finie ou infinie. L'échantillonnage est le problème d'associer à un signal analogique un signal numérique, en contrôlant la perte d'information. La solution la plus simple revient à considérer des valeurs ponctuelles $ f(kT)$ , régulièrement espacées, du signal $ f$ étudié. Cependant, ceci ne peut se faire sans précautions; il faut tout d'abord que les valeurs ponctuelles aient un sens, donc que $ f$ soit continue. Puis pour limiter la perte d'information, il faut que $ f$ varie ``suffisamment lentement''. Ceci conduit à poser le problème dans un cadre fonctionnel bien adapté. On se limitera ici au cadre de la théorie de l'échantillonnage classique, dans le cas des fonctions à bande limitée.

Le théorème d'échantillonnage

Le théorème d'échantillonnage se perd dans la nuit des temps. Il est généralement attribué à Shannon et Kotelnikov, qui en ont proposé une preuve vers 1945, peu après Nyquist. En fait, il avait été démontré bien avant par Whittaker (1936), et probablement par Cauchy encore plus avant.

Le cadre naturel du théorème d'échantillonnage est l'espace des signaux à bande limitée, ou espace de Paley-Wiener

$\displaystyle PW_{\omega_0} =\left\{f\in L^2({\mathbb{R}}), \hat f(\omega)=0\ \hbox{pour tout}\ \omega\not\in [-\omega_0,\omega_o]\right\}$ (3.55)

Il est facile de voir que $ PW_{\omega_0}$ est un espace de fonctions continues, de sorte que les valeurs ponctuelles des fonctions de $ PW_{\omega_0}$ ont un sens. On peut alors introduire l'opérateur d'échantillonnage $ E$ , associé à la fréquence d'échantillonnage $ \eta$ : si $ f\in PW_{\omega_0}$ ,

$\displaystyle (Ef)_n = f\!\left(\frac{n}{\eta}\right)\ ,\qquad n\in\mathbb{Z}\ .$ (3.56)


\begin{theorem}
% latex2html id marker 6297Soit $f\in PW_{\omega_0}$, et soit ...
...eta(t-n/\eta))}{\pi\eta(t-n/\eta)}\ .
\end{equation}\end{enumerate}\end{theorem}
Preuve: Commençons par considérer la fonction périodique

$\displaystyle \Gamma(\omega) = \sum_{k=-\infty}^\infty \hat f(\omega + 2\pi k\eta)\ .$ (3.57)

Il est immédiat que $ \Gamma\in L^1_p([-\pi\eta,\pi\eta])$ , et on peut donc s'intéresser à ses coefficients de Fourier. Un calcul simple montre que

$\displaystyle c_n(\Gamma) = \frac1{2\pi\eta}\,\int_{-\pi\eta}^{\pi\eta}
\Gamma(...
...-i\frac{\omega n}\eta}d\omega
=\frac1{\eta}\,f\!\left(\frac{n}{\eta}\right)\ .
$

Donc, la fonction $ \Gamma$ n'est autre que la TFD de la série d'échantillons $ \{f_n\}$ , et le problème de retrouver $ f$ à partir des échantillons est équivalent au problème de retrouver $ \hat f$ à partir de $ \Gamma$ . Or, $ \Gamma$ n'est autre (à une constante multiplicative près) qu'une version ``périodisée'' de $ \hat f$ , de période $ 2\pi\eta$ . On peut donc considérer les trois cas de figure. Ceci conclut la démonstration. $ \spadesuit$

Le cas critique $ \omega_0=\pi\eta$ est particulièrement intéressant, et il est utile de reprendre les résultats précédents, sous un angle différent. L'opérateur $ {\mathcal F}/\sqrt{2\pi}$ est une isométrie bijective entre $ PW_{\omega_0}$ et $ L^2([-\omega_0,\omega_0])$ . Or, nous connaissons une base orthonormée de ce dernier espace: le système trigonométrique. Par conséquent, la famille de fonctions $ \phi_n$ définies par

$\displaystyle \phi_n(t) =\frac1{\sqrt{2\pi}} \int_{-\omega_0}^{\omega_0} \frac{...
...a t}\,d\omega = \sqrt{\eta}\,sinc(\pi\eta(t- n/\eta))\ ,\quad n\in\mathbb{Z}\ ,$ (3.58)

où on a introduit le sinus cardinal

$\displaystyle sinc(u) = \frac{sin(u)} {u}\ ,$ (3.59)

est une base orthonormée de $ PW_{\omega_0}$ . On a donc le résultat suivant
\begin{corollary}
Pour tout $f\in PW_{\omega_0}$, on a
\begin{equation}
f(t) = \...
...\vert f\!\left(\frac{n}\eta\right)\right\vert^2\ .
\end{equation}\end{corollary}
De plus, la transformation de Fourier sur $ PW_{\omega_0}$ se ramène à une transformation de Fourier discrète (TFD) de la suite des échantillons:
\begin{corollary}
Pour tout $f\in PW_{\omega_0}$, on a
\begin{equation}
\hat f(\...
...f\!\left(\frac{n}\eta\right) e^{-in\omega/\eta}\ .
\end{equation}\end{corollary}

REMARQUE 3.13   Dans le cas favorable $ \pi\eta >\omega_0$ , la famille de fonctions $ t\to \varphi(t-n/\eta), n\in\mathbb{Z}$ considérée n'est plus une base orthonormée, car elle est redondante. On peut alors montrer qu'elle forme alors un repère de $ PW_{\omega_0}$ .

REMARQUE 3.14   En pratique, l'échantillonnage est souvent (toujours) précédé d'un filtrage passe-bas, dont le but est de réduire la largeur de bande pour l'adapter à la fréquence d'échantillonnage prévue. Les filtres passe-bas idéaux n'étant pas réalisables, on se rabat plutôt sur des filtres rationnels, comme par exemple un des filtres de Chebyshev ou de Butterworth que nous avons vus plus haut.

Approximation par des séries finies et TFF

Nous avons vu que les espaces de Paley-Wiener sont particulièrement bien adaptés à l'échantillonnage. Soit $ f\in PW_{\omega_0}$ , et soit $ \eta=\omega_0/\pi$ . Reprenant ce que nous avons vu plus haut, nous pouvons donc écrire, pour tout $ t$ ,

$\displaystyle f(t) = \sum_{n=-\infty}^\infty f(n/\eta) sinc(\pi\eta(t- n/\eta))\ ,
$

et nous intéresser aux séries tronquées

$\displaystyle f_N(t) = \sum_{n=-N}^N f(n/\eta) sinc(\pi\eta(t- n/\eta))\ .$ (3.60)

Nous avons alors le résultat suivant
\begin{proposition}
Soit $f\in PW_{\omega_0}$, et soit $\eta=\omega_0/\pi$.
On a...
...\vert f\!\left(\frac{n}\eta\right)\right\vert^2}
\end{eqnarray}\end{proposition}
Preuve: La première relation est une conséquence immédiate de la formule de Parseval vue dans le Corollaire [*]. Pour la seconde, écrivons
$\displaystyle \vert f(t)-f_N(t)\vert$ $\displaystyle \le$ $\displaystyle \frac1{2\pi}\int_{-\pi\eta}^{\pi\eta}
\left\vert\hat f(\omega)-\hat f_N(\omega)\right\vert\,d\omega$  
  $\displaystyle \le$ $\displaystyle \frac{\sqrt{2\pi\eta}}{2\pi}\,\Vert\hat f-\hat f_N\Vert$  
  $\displaystyle =$ $\displaystyle \sqrt{\eta}\,\Vert f-f_N\Vert\ ,$  

ce qui conclut la preuve. $ \spadesuit$

La contrepartie du corollaire [*] est que la transformée de Fourier peut maintenant s'approximer par une TFF, très facile à réaliser numériquement.

Echantillonnage généralisé

Comme on l'a vu, le théorème d'échantillonnage, dans le cas critique $ \eta=\omega_0/\pi$ , peut être interprété comme la représentation d'une fonction (continue, appartenant à l'espace de Paley-Wiener) par les coefficients de son développement sur la base des sinus cardinaux.

Ceci peut être généralisé, dès lors que l'on se donne un sous-espace fermé de $ L^2({\mathbb{R}})$ et une base de ce sous-espace. Un choix classique consiste à considérer une fonction $ \phi\in L^2({\mathbb{R}})$ , et le sous-espace engendré par les translatées régulières

$\displaystyle \phi_k(t) = \phi(t-k/\eta)\ ,\quad k\in\mathbb{Z}\ ,$ (3.61)

( $ \eta\in{\mathbb{R}}^+$ étant une fréquence d'échantillonnage fixée), c'est à dire l'espace

$\displaystyle {\mathcal V}= \left\{f\in L^2({\mathbb{R}}), f = \sum_k \alpha_k\phi_k\right\}\ .$ (3.62)

Si la fonction $ \phi$ et la fréquence d'échantillonnage sont bien choisies, la collection des $ \phi_k$ forme une base de Riesz de $ {\mathcal V}$ , et toute fonction $ f\in{\mathcal V}$ peut être caractérisée par les coefficients $ \langle f,\phi_k\rangle$ . Plus précisément, on peut montrer le résultat suivant:
\begin{theorem}
% latex2html id marker 6418Soit $\phi\in L^2({\mathbb{R}})$, t...
...Riesz de l'espace ${\mathcal V}$\ d\'efini
en~(\ref{fo:app.space})
\end{theorem}

REMARQUE 3.15   Notons que le calcul des coefficients d'une fonction $ f\in{\mathcal V}$ par rapport à une telle base prend la forme

$\displaystyle \langle f,\phi_k\rangle = \int f(t) \overline{\phi}(t-k/\eta)\,dt\ ,
$

ce qui peut s'interpréter comme

$\displaystyle \langle f,\phi_k\rangle = (f*\tilde\phi)(k/\eta)\ ,
$

$ \tilde\phi (t) = \overline{\phi}(-t)$ , c'est à dire comme filtrage par un filtre de réponse impulsionnelle $ \tilde{\phi}$ , suivi d'un échantillonnage à fréquence $ \eta$ .

REMARQUE 3.16   Il est possible de traiter de façon similaire des situations où la suite des translatées $ \phi_k$ n'est pas une base, mais un repère de l'espace $ {\mathcal V}$ .

Bruno Torresani 2007-06-26